Le conflit au Sahara occidental remonte à l’échec de la décolonisation du territoire par L’Espagne en 1975. Depuis le cessez-le-feu en 1991 et la signature du plan de paix, le conflit est dans l’impasse, embourbé dans un processus de négociations stériles, voué à l’echec par l’immobilité et le manque de la volonté politique. Un enjeu qui a été dans une impasse pendant de nombreuses années. Plusieurs études ont confirmé l’immobilité marocaine et ses tactiques successives destinées à perpétuer le conflit alors qu’il essaie de consolider son occupation du territoire. À travers ce chemin, la communauté internationale, encore plus loin dans l’amélioration de son rôle en tant que médiateur impartial dans le conflit, a apporté son discours plus proche des thèses marocaines, avec des modifications évidentes à son langage qui élimine l’expression référentielle au référendum comme une solution au controverse, ainsi que d’éviter l’hypothèse d’un rôle plus actif conformément au droit international. Cette position clairement alignée avec les intérêts de l’occupant a été, si possible, même plus évident depuis la démission du dernier envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies, Hans kolher en mai 2019. Plus d’une année passée, et le secrétaire général n’a toujours pas nommé un remplacent pour l’ex-chancelier allemand.
Un double attaque pour déverrouiller le statu quo
L’immobilité démontrée par l’organisation des Nations unies, la communauté internationale en général et en particulier par l’une des parties concernés, le Maroc, n’est pas prise en charge par l’autre partie du conflit, le Front Polisario, qui a lancé une stratégie multisectorielle de déblocage, un double attaque aux termes des Échecs qui indique clairement qu’il n’est pas prêt à perpétuer le statu quo. D’abord, le Front Polisario a récemment annoncé sa décision de lancer un plan pour la reconstruction et le repeuplement de la soi-disant « territoires libérés”. Cette décision n’a pas été soudaine, mais basée sur l’engagement du Front Polisario à renforcer la présence et la visibilité des « territoires libérés” depuis le douzième Congrès national du Front Polisario au tifariti, le transfert du Parlement national au même endroit, et les recommandations institutionnelles pour renforcer les enclaves urbaines dans cette partie du territoire.
Comme l’affirment Irene Fernández Molina et Raquel Ojeda García, cet engagement à consolider la présence du Front Polisario sur le territoire et sa souveraineté renforce la vision de la république arabe sahraouie démocratique (RASD) comme un «hybride entre un état en exil et un para-état”.
Cette stratégie de reconstruction s’inscrit, selon Brahim Gali, secrétaire général du Front Polisario, dans la consolidation de sa souveraineté sur le territoire et dans la recherche d’alternatives pour les milliers de réfugiés qui ont survécu pendant des décennies dans les camps de réfugiés de Tindouf. Cependant, ce plan d’action peut également conduire à la reprise des moyens précédemment abandonnés pour résoudre le conflit, tels que la partition du territoire, qui, comme l’a souligné Carlos Ruiz Miguel, “ne sont pas conformes au droit international actuel”.
L’émergence d’un nouveau mouvement
Dans les territoires occupés, Aminatou Haidar, une militante des droits humains reconnue internationalement pour sa lutte pacifique, a annoncé la constitution d’un nouveau mouvement, “l’instance sahraouie contre l’occupation marocaine”.
La création de ce nouveau mouvement se lit sur un ton international et régional. Premièrement, comme un engagement clair à créer un mouvement qui prône le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination à partir des territoires occupés, s’alignant d’une façon claire dans le cadre régional africain. Deuxièmement, concernant la politique intérieure marocaine, montrer que ce n’est pas seulement le mouvement sécessionniste Hirak dans le Rif qui remet en question la souveraineté nationale, malgré la nature différente des deux territoires. Dans son document fondateur, le mouvement exprime ouvertement sa volonté de “défendre les droits du peuple sahraoui à la liberté, à l’indépendance et à la dignité par des moyens légitimes non violents tels que stipulés dans les cadres internationaux et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples fondée sur la protection de tous les citoyens et les droits culturels”.
Le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui
Cette référence claire au système africain de protection des droits de l’homme rappelle que le Maroc coexiste déjà au sein de l’UA avec la RASD, membre fondateur de l’organisation régionale africaine qui a soutenu l’entité de la RASD et sa légitimité en tant que membre de l’organisation, ainsi que le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui comme solution au conflit.
La réponse du Maroc n’a pas tardé à venir, et depuis la proclamation du mouvement, il a lancé une campagne de harcèlement contre Aminatou elle-même et d’autres militants des droits de l’homme. Cette nouvelle vague de répression et de harcèlement des militants des droits de l’homme dans les territoires occupés renforce l’importance de la protection des droits de l’homme dans l’agenda du conflit, qui continue de montrer la nécessité de proroger le mandat de la MINURSO, en attendant le renouvellement de son mandat ce mois-ci, et la protection de la population sahraouie par les mécanismes internationaux.
Le Maroc, pour sa part, a tenté de consolider l’occupation du territoire par l’inauguration de différents consulats et la construction de nouvelles infrastructures sur le territoire, notamment des nouveaux ports de pêche. Cette construction d’infrastructures, ainsi que la proclamation en janvier de deux lois nationales actualisant les limites de ses eaux territoriales et de sa zone économique exclusive, y compris les eaux au large des côtes du Sahara occidental, représentent une «nouvelle violation du statut du territoire non-autonome ».
L’enclave d’El Guerguerat est un autre domaine clé dans la bataille pour le contrôle du territoire et pour la préservation de la légalité internationale. Ce passage frontalier, qui selon l’accord militaire onusien entre le Front Polisario et le Maroc est une zone restreinte, est devenu une enclave cruciale depuis que le Maroc en a fait l’un des passages illégaux les plus fréquentés au monde en 2016. La zone a été un source de tension constante entre les parties, et a été récemment refermée par des manifestants sahraouis qui protestent contre le trafic de véhicules, affirmant qu’ils contribuent au pillage des ressources naturelles. L’augmentation de la tension dans la région a conduit le président de la RASD, Brahim Ghali, à déclarer que «tout dommage infligé à un citoyen sahraoui à El Guerguerat sera une déclaration de guerre».
La bataille juridique
En revanche, la stratégie du Front Polisario pour débloquer le conflit ne se limite pas aux dites initiatives sur le territoire, comme au cours des dernières années, mais il a également renforcé la bataille juridique avec la présentation de différents appels, en particulier au sein des institutions européennes, contre l’exploitation illégale des ressources naturelles du territoire et les violations de son statut en tant que territoire non-autonome. Dans ce contexte, il convient de demander ce que le rôle sera-il de la communauté internationale et aussi celui de l’Espagne, en tant que puissance coloniale du territoire.
Le changement dans la présidence du Conseil de sécurité, assumé par la Russie cet octobre, et le fait qu’elle a programmé trois réunions au Conseil de Sécurité pour adresser la question sahraouie et plus précisément le renouvellement de la Minurso, a mis les appareils diplomatiques des deux parties en mouvance. L’Afrique du Sud, l’un des principaux alliés de la RASD, actuellement membre du Conseil de sécurité et qui va le présider durant le mois de décembre, est prévue de faire pression sur la continuité des négociations afin de résoudre le conflit. Cependant, un nouveau envoyé spécial du secrétaire général qui peut reprendre les négociations initiés par Kuhler reste toujours sans nomination.
Neutralité positive!
L’Espagne, maintient sa position de “la neutralité positive”, favorisant le respect des résolutions des Nations Unies et la recherche d’une «solution politique, durable et mutuellement acceptable” évitant ainsi de mentionner le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Cependant, il est bien connu que, juridiquement, il n’y a pas de tel concept de «neutralité positive» et que, comme il est montré par le professeur Juan Soroeta Liceras, ceux qui ne prennent pas en charge l’application de la loi, qui est clair dans le cas du Sahara occidental, “promeuvent sa violation”.
En outre, selon Soroeta, la prétendue attitude de L’Espagne de “la neutralité positive” n’est qu’une partialité évidente qui se traduit par un soutien explicite des positions de l’occupant, comme en témoigne la participation de l’ancien espagnol président José Luis Rodriguez Zapatero en Congrès du “mouvement sahraoui pour la paix”, une organisation dissidente du Front Polisario qui a pour objectif briser l’unité des sahraouis, comme avaient essayé précédemment “Khat Chahid” et “L’initiative sahraouie pour le changement. Par conséquent, tout semble montrer que des mesures sont prises pour débloquer le conflit, et que seule une des parties, notamment le Maroc, à l’intérêt de prolonger le statu quo. Le cadre juridique applicable à une situation résultant d’une décolonisation inachevée est également clair, en dépit des efforts constants de se soustraire des obligations internationales et de modifier la nature du territoire. Quelque chose est en mouvement au Sahara occidental. Est-ce que ce double attaque se soldera-il par échec et mat?
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Traduit en français par:
Khalil Asmar
Khalil Asmar est un blogueur sahraoui. À suivre sur Twitter @Sahara_voice