De Mistura se trompe sur le Sahara et Rabat en profite

De Mistura se trompe sur le Sahara et Rabat en profite

11 septembre 2025 – PLATEFORME « N’oubliez pas le Sahara Occidental »

L’envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental, Staffan de Mistura, a commis une grave erreur lors d’une interview diffusée par la chaîne Globally de l’ISPI (Istituto per gli Studi di Politica Internazionale). Au cours de la conversation, enregistrée dans le cadre du forum MED2024 à Naples et publiée sur YouTube le 5 septembre 2025, le diplomate italo-suédois a décrit la question sahraouie comme un « conflitto collegato con tensione tra due nazioni in particolare, un gruppo chiamato Polisario, un gruppo e tra il Marocco e l’Algeria » (« conflit lié à la tension entre deux nations en particulier, un groupe appelé Polisario, entre le Maroc et l’Algérie »). Une formulation imprécise et dangereuse, immédiatement utilisée par les médias marocains comme arme de propagande.

La transcription en italien du passage est claire : « Continuo a occuparmi di evitare un conflitto collegato con tensione tra due nazioni in particolare, un gruppo chiamato Polisario, un gruppo e tra il Marocco e l’Algeria. Siamo nel Sahara Occidentale di cui non parlo perché sono in carica ». Et la traduction de ses propos ne laisse aucun doute : « Je continue de m’occuper d’éviter un conflit lié à la tension entre deux nations en particulier et un groupe appelé Polisario, entre le Maroc et l’Algérie. Il s’agit du Sahara occidental, dont je ne parle pas car c’est moi qui en ai la charge. »

Il est frappant que ces mots viennent de celui qui devrait garantir neutralité et rigueur juridique dans un processus bloqué depuis des décennies. Si l’envoyé personnel du Secrétaire général accepte sans réserve la rhétorique marocaine — transformer un processus de décolonisation en un « conflit régional » —, le message envoyé est dévastateur pour la crédibilité des Nations unies et pour la confiance du peuple sahraoui dans l’institution censée protéger son droit.

Il convient de rappeler qu’au cours de ces cinquante dernières années, plusieurs envoyés ont démissionné précisément en raison de l’impossibilité d’avancer face à l’intransigeance marocaine. Horst Köhler, James Baker ou Christopher Ross se sont tous heurtés au même mur. La légitimité de De Mistura dépend, plus que jamais, de son attachement au droit international, et non d’une capitulation devant le langage de l’occupant.

La presse marocaine n’a pas tardé à transformer cette erreur en « scoop ». Des portails comme Yabiladi et Rue20 ont titré que De Mistura « brise le miroir de la farce algérienne » ou « démystifie le statut d’observateur », tentant de présenter ses paroles comme un soutien à la narration officielle de Rabat. Rien n’est plus faux : le droit international, l’avis consultatif de la Cour internationale de justice de 1975 et les résolutions répétées de l’ONU établissent clairement que le Maroc est une puissance occupante et que le peuple sahraoui a droit à l’autodétermination et à l’indépendance.

Le lapsus de De Mistura met en évidence la fragilité d’une médiation où chaque mot devient une arme politique. La mission de l’envoyé personnel exige une neutralité et une précision absolues. Il est donc urgent que De Mistura clarifie ses propos et réaffirme le cadre juridique des Nations unies. Faute de quoi, on risque de saper la confiance dans le processus politique et de renforcer la propagande d’une des parties.

La réalité demeure inchangée : le Sahara occidental n’est pas marocain, et le seul titulaire du droit de décider de son avenir est le peuple sahraoui, représenté par le Front Polisario. Aucune déclaration improvisée, même dans la bouche d’un haut fonctionnaire international, ne peut effacer un demi-siècle de légalité internationale ni occulter la souffrance d’un peuple qui résiste à l’occupation.