La réconciliation avec Rabat ne donne pas les résultats escomptés par Madrid. Le Maroc ne tient pas ses engagements, et l’Algérie applique des sanctions qui ont réduit à néant le commerce avec l’Espagne. Les élections générales dans ce pays le 23 juillet, avec la montée en puissance de l’extrême droite, changeront-elles la donne ?
"Entre #Marruecos y #Argelia, las apuestas perdidas de #España", análisis de @icembrero en @OrientXXI. Madrid no obtuvo los resultados esperados de la concesión hecha a #Rabat sobre el #Sáharacccidental. Padece, no obstante, lesivas sanciones de #Argel. https://t.co/GcVUylcMLq
— Ignacio Cembrero (@icembrero) June 27, 2023
Enrique Alcoba se plaint amèrement. « Même une paire de chaussures neuves, même une bouteille d’eau minérale fermée, ils vous la confisquent », s’indigne-t-il. Alcoba est le président de la confédération patronale de Melilla et il dénonce à tue-tête que les agents marocains à la frontière de Beni Enzar, entre sa ville et le Maroc, n’appliquent pas le régime douanier des voyageurs en vigueur, par exemple, dans les aéroports de Marrakech ou de Casablanca.
Impossible donc, pour les quelques rares touristes marocains qui visitent sa ville, de rapporter avec eux des souvenirs. Impossible surtout pour les Espagnols musulmans de Melilla, qui sont majoritaires dans la ville, selon l’enquête de l’Observatorio Andalusi1, un organisme rattaché à la Conférence islamique d’Espagne, de traverser la frontière avec des cadeaux pour leurs parents qui habitent le Maroc. À l’envers, dans le sens Maroc-Espagne, ces restrictions ne s’appliquent pas. Dans un sens ou dans l’autre, traverser ces frontières, rouvertes en mai 2022 après la pandémie, est un véritable chemin de croix à cause des contrôles lents et tatillons du côté marocain.
RENONCER À LA NEUTRALITÉ
Quatorze mois après la réconciliation entre le Maroc et l’Espagne, scellée à Rabat le 7 avril 2022 lors d’un iftar entre le roi Mohamed VI et le chef du gouvernement Pedro Sánchez, celle-ci est loin d’avoir eu les effets escomptés du côté espagnol. Pour mettre un terme à la crise bilatérale déclenchée par Rabat le 10 décembre 2020, Sánchez avait fait une concession majeure dans un lettre adressée au souverain le 14 mars 2022. Le plan d’autonomie que propose le Maroc est « la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du contentieux » du Sahara occidental, écrivait-il au souverain dans une lettre que le gouvernement espagnol n’a pas voulu rendre publique. C’est un communiqué du cabinet royal marocain qui en a dévoilé des extraits le 18 mars 2022. L’Espagne, ancienne puissance coloniale, se départit ainsi d’une approche théoriquement équidistante, mais qui en sous-main inclinait, depuis presque vingt ans, du côté du Maroc.
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DES PROMESSES NON TENUES
Quatorze mois après l’annonce du Pedro Sánchez, il n’y a toujours pas de douanes. Un échange de correspondance entre les directions générales des douanes espagnole et marocaine dévoilé par le journal El País le 12 juin 2023 illustre les réticences, en apparence techniques, de Rabat. En fait, le Maroc ne veut pas de ces douanes pour deux raisons : il cherche toujours à asphyxier économiquement les deux villes, et accepter l’ouverture de ces postes pourrait être interprété comme un premier pas vers reconnaissance de la souveraineté espagnole sur ces « présides occupés », comme les décrit souvent la presse marocaine.
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RÉDUCTION DES FLUX MIGRATOIRES
En fait, le seul chapitre de la déclaration conjointe mis en œuvre à ce jour est celui de la coopération en matière migratoire. Depuis avril 2022, les autorités marocaines font un effort pour endiguer les arrivées. Dans les trois premiers de cette année, elles ont chuté de 51 % sur l’ensemble de l’Espagne par rapport à la même période de 2022, quand le Maroc fermait les yeux sur les départs.
C’est surtout aux Canaries, là où elle est plus difficile à gérer, que la réduction (— 63,3 %) a été plus accentuée, selon le ministère de l’intérieur espagnol3. Seuls 2 178 harraga y ont débarqué au premier trimestre de cette année au lieu de 5 940 pour la même période de 2022. La première quinzaine du mois de juin, avec 1 508 arrivées, semble marquer un infléchissement de la tendance, et plus encore la seconde avec des pointes de 227 immigrés secourus en mer le dimanche 19 et le jeudi 22. Pourtant, le gouvernement espagnol exhibe fièrement ces statistiques qui prouvent, en réalité, que le voisin marocain a utilisé jusqu’au mois de mars 2022 l’immigration pour faire plier Madrid. Et sans se soucier du coût humain.
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LIRE +: Entre le Maroc et l’Algérie, les paris perdus de l’Espagne – Ignacio Cembrero – orientxxi.info