Espagne : malaise autour d’une visite de Abdellatif Hammouchi, le chef espion de Mohammed VI

Espagne : malaise autour d’une visite de Abdellatif Hammouchi, le chef espion de Mohammed VI

De nouveau, le journaliste espagnol, Ignacio Cembrero, se retrouve dans le viseur de la presse marocaine. Cette fois, il lui est reproché un article dans lequel il dévoile une tentative de Abdellatif Hammouchi, chef espion du roi du Maroc Mohammed VI, de blanchir auprès de l’Espagne son image ternie par le scandale Pegasus dont il a été l’architecte.

« La première invective de la presse du « makhzen » après mon « papier » sur Hammouchi : Je suis « actionné » par l’Algérie », a réagi vendredi 10 mai sur la plateforme X l’ancien journaliste d’EL PAÍS, aujourd’hui à El Confidencial, aux attaques qui le ciblent de la part des médias proches du Palais royal marocain. « Ces « journalistes » du Maroc qui ont toujours bossé aux ordres du « makhzen » n’ont pas encore compris ce que c’est d’être indépendant », a-t-il ajouté.

Un journaliste espagnol accusé par des médias marocains de rouler pour l’Algérie


Dans son article, Cembrero a mis à nu une tentative de Hammouchi, gravement éclaboussé par l’affaire Pegasus, de redorer son image en ordonnant aux médias marocains d’assurer une large diffusion à sa participation à une cérémonie organisée à Madrid à l’occasion du bicentenaire de la création de la police espagnole.

En Espagne, la présence du patron de la DST et de la police marocaines est au contraire très encombrante. Bien qu’ils l’aient convié comme « invité d’honneur », les Espagnols ont tenu à ce que la présence de Abdellatif Hammouchi ne fuite pas dans les médias. Aucune des photos dans lesquelles il apparaissait n’a été diffusée.


Si l’espion en chef du roi Mohammed VI est à ce point gênant pour les responsables sécuritaires espagnols, c’est à cause de l’opération d’espionnage d’envergure via le logiciel israélien Pegasus, divulguée en juillet 2021 par le collectif Forbidden Stories regroupant 17 médias internationaux. Hammouchi est considéré comme l’architecte de cette opération.

En Espagne seulement, plus de 200 téléphones avaient été ciblés par le Maroc, dont ceux du président du gouvernement Pedro Sánchez, et des ministres de la Défense, Margarita Robles, et de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska. Le gouvernement espagnol avait porté plainte.

Hammouchi tente de soigner son image après le scandale Pegasus

Abdellatif Hammouchi, qui voulait faire de son invitation à la fête de la police espagnole une occasion pour soigner son image, n’a pas apprécié que sa présence soit réduite au silence, écrit Ignacio Cembrero dans un article d’El Confidencial, publié vendredi 10 mai. Il n’apparaît dans aucune des photos diffusées ni dans les communiqués rendus publics.

C’est pourquoi, dès son retour au pays, il a ordonné à la presse marocaine et à l’agence officielle MAP de diffuser l’information et des photos qu’il a lui-même remises aux médias, le montrant en train de discuter pendant la cérémonie avec le roi Felipe d’Espagne, le secrétaire d’État à la Sécurité, Rafael Pérez ou encore le directeur général de la police, Francisco Pardo Piqueras.

L’injonction de Hammouchi a donné lieu à des manchettes élogieuses dans les journaux de son pays. « L’Espagne déroule le tapis rouge à Abdellatif Hammouchi », a titré L’Opinion, tandis que le 360.ma souligne qu’il était « le seul invité du continent africain ».

Le journaliste espagnol a relevé la similitude des écrits des journaux marocains qui ont qualifié le chef de la DST de « figure de proue de la lutte contre le terrorisme acclamée pour son expérience et son intelligence » et dont « les services de sécurité et de renseignement des grandes puissances sollicitent régulièrement l’avis ». Soit une opération « blanchissement » concertée et surtout ordonnée.

L’article d’El Confidencial rappelle que Hammouchi avait agi de la même manière en septembre 2022, à l’occasion d’une visite au Maroc de la directrice du Centre national de renseignement (CNI), Esperanza Casteleiro Llamazares. Il avait pris le soin d’envoyer un cliché de la rencontre à plusieurs médias espagnols.

Plusieurs années avant la divulgation de son implication dans l’affaire Pegasus, Abdellatif Hammouchi avait échappé de justesse à une arrestation en France, en février 2014, lorsque la police judiciaire a tenté de le présenter devant un juge pour une plainte qui le ciblait. Le superflic marocain avait fui précipitamment le territoire français. Dix ans après, Rabat ne pardonne toujours pas à Paris cet affront.

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