L’AFAPREDESA répond à Rima Hassan : une lettre ouverte contre la reprise des thèses coloniales marocaines

L’AFAPREDESA répond à Rima Hassan : une lettre ouverte contre la reprise des thèses coloniales marocaines

Chahid El Hafed, 21 août 2025. – L’Association des Familles de Prisonniers et Disparus Sahraouis (AFAPREDESA) a rendu publique une lettre ouverte incisive adressée à la juriste palestinienne Rima Hassan, signée par son président Abdeslam Omar Lahsen, dénonçant que cette dernière aurait repris “les thèses coloniales marocaines” sur le Sahara Occidental. Le texte constitue un plaidoyer juridique et politique qui démonte point par point les manipulations utilisées par Rabat pour maquiller la réalité coloniale.

« Aussi surprenant et grave que cela puisse paraître, la militante et juriste en droit international que vous êtes, vient d’épouser, telles quelles, les thèses coloniales marocaines sur le Sahara occidental », écrit Abdeslam Aomar Lahsen dès l’introduction. Il ajoute que le discours de Hassan « semble dicté par un membre des services secrets marocains », ce qui constitue à ses yeux une contradiction flagrante avec la trajectoire d’une militante jusqu’ici associée aux luttes anticoloniales.


Pas un différend bilatéral, mais un cas de décolonisation inachevée

L’AFAPREDESA s’indigne en particulier que Rima Hassan reprenne la formule marocaine présentant la question comme un “différend entre le Maroc et l’Algérie”. Pour Lahsen, il s’agit là d’une « tentative de vider la question sahraouie de sa nature de décolonisation, inscrite comme telle par l’ONU depuis 1963 ».

Il rappelle que le Sahara Occidental est inscrit sur la liste des territoires non autonomes et qu’il ne s’agit en aucun cas d’un litige frontalier. « Au Sahara occidental, il ne s’agit pas d’un conflit de délimitation de frontières, mais de la détermination des conséquences à tirer du statut du Sahara occidental en tant que territoire non autonome », souligne-t-il.

Le président de l’AFAPREDESA rappelle aussi que toutes les décisions de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) depuis 2015 jusqu’aux arrêts de 2024 et 2025 confirment que le Sahara Occidental a un statut « séparé et distinct » du Royaume du Maroc.


Palestine et Sahara : deux occupations aux similitudes frappantes

La lettre conteste également l’injonction de Rima Hassan à ne pas comparer la cause palestinienne et la cause sahraouie. « Bien que cela puisse vous déplaire, les deux questions ont, bel et bien, des similitudes frappantes », insiste Lahsen.

Les deux peuples sont confrontés à une occupation militaire brutale, à la négation de leur existence nationale, à des politiques de déplacement forcé et de colonisation de peuplement. L’Assemblée générale des Nations unies, par la résolution 34/37 (1979), avait déjà condamné « la persistance et l’extension de l’occupation » du Sahara Occidental et demandé au Maroc d’y mettre un terme.

Lahsen souligne également que, selon les arrêts récents de la CJUE (4 octobre 2024 et 15 janvier 2025), « 75 % du peuple sahraoui a été déplacé en dehors de son territoire depuis 1975 » et qu’à l’intérieur des zones occupées, « seuls 25 % de la population sont d’origine sahraouie ».

Concernant les murs de séparation, le parallèle est direct : « Les deux murs reflètent des logiques coloniales similaires », écrit-il. Le mur marocain, long de 2 700 km et truffé de mines, divise les familles sahraouies depuis un demi-siècle et entrave toute liberté de mouvement, comme le mur israélien en Palestine divise et confisque les terres.


Crimes de guerre et génocide documentés

Lahsen rappelle que l’occupation marocaine s’accompagne de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Il cite la première mission de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) en 1976, qui a documenté les bombardements au napalm et au phosphore blanc, ainsi que la sentence du juge Pablo Ruz de l’Audience nationale espagnole (9 avril 2015) :

« Depuis novembre 1975 et jusqu’en 1991, une attaque systématique et généralisée a été menée contre la population civile sahraouie par les forces marocaines : bombardements, déplacements forcés, assassinats, arrestations et disparitions, dans le but de détruire totalement ou partiellement ce groupe de population et d’occuper le territoire. »

Pour l’AFAPREDESA, ces conclusions judiciaires constituent une preuve irréfutable d’une politique génocidaire à l’égard du peuple sahraoui, comparable dans ses méthodes et ses alliances à celle subie par les Palestiniens.


La Marche Verte : un mythe pacifique démenti par les faits

Un autre volet de la lettre est consacré à la Marche Verte, souvent présentée par la propagande marocaine comme une action pacifique. Lahsen rappelle qu’avant l’entrée de civils en novembre 1975, l’armée marocaine avait déjà lancé l’Opération Oubou le 31 octobre, avec plus de 20 000 soldats pénétrant dans le Sahara Occidental grâce au retrait espagnol coordonné.

Ce fut le début des disparitions forcées, exécutions sommaires et arrestations arbitraires. La prétendue nature pacifique de la Marche Verte fut d’ailleurs démentie par la résolution 380 du Conseil de sécurité de l’ONU (1975), qui la condamna explicitement.


L’avis de la CIJ : une pierre angulaire ignorée

La lettre reproche également à Rima Hassan son interprétation partielle de l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice (1975). Cet avis, commandé par la résolution 3292 de l’Assemblée générale, a trois points clés :

  1. Il invalide la thèse de la terra nullius, reconnaissant l’existence d’un peuple sahraoui organisé.

  2. Il rejette les arguments de souveraineté du Maroc et de la Mauritanie.

  3. Il réaffirme que la seule voie juridique est l’autodétermination du peuple sahraoui, conformément à la résolution 1514 (XV) de 1960.

En occultant ces éléments, affirme Lahsen, Hassan se fait l’écho de la rhétorique du Makhzen.


Incohérences et silences

Enfin, le président de l’AFAPREDESA souligne les contradictions du discours de Rima Hassan : elle défend un État binational démocratique en Palestine, mais semble s’aligner sur les thèses marocaines au Sahara.

Il rappelle que le Maroc et Israël sont liés par une alliance militaire, consolidée dans le cadre des Accords d’Abraham (2023), qui inclut la livraison d’armes utilisées contre les Sahraouis. Le silence de Hassan sur ce point contraste fortement avec ses dénonciations de l’occupation israélienne.

« Votre plaidoyer pour un État binational en Palestine soulève des interrogations quant à sa cohérence lorsque vous semblez vous aligner sur les thèses marocaines concernant le Sahara occidental », conclut Lahsen.


Une conclusion ferme mais ouverte au dialogue

La lettre se termine par une invitation au dialogue, mais sans renoncer à la fermeté :
« Je reste ouverte au dialogue pour clarifier ces points, dans l’esprit de votre engagement affiché pour la justice et la décolonisation. »

Par cette prise de position, l’AFAPREDESA rappelle que le Sahara Occidental n’est pas un différend régional ni un simple conflit diplomatique, mais une décolonisation inachevée dans laquelle est en jeu la dignité, la mémoire et le droit inaliénable du peuple sahraoui.


📌 Référence : Lettre ouverte de Abdeslam Omar Lahsen, président de l’AFAPREDESA, « Lettre ouverte à Mme Rima Hassan sur son soutien aux thèses coloniales du Makhzen », Chahid El Hafed, 21 août 2025.

Origen: AFAPREDESA: Lettre ouverte à Mme Rima HASSAN sur son soutien aux thèses coloniales du Makhzen