Des Canadiens d’origine marocaine demandent au Parc Safari d’Hemmingford, en Montérégie, de corriger la carte « erronée » du Maroc affichée au zoo pour y inclure le Sahara occidental. Ils appellent au boycott du parc jusqu’à ce que ce territoire, au cœur d’un débat géopolitique, soit ajouté aux frontières du pays.

« Nous exigeons la correction de la carte du Maroc présentée au Safari Park », peut-on lire dans une pétition lancée la semaine dernière, qui a recueilli plus de 200 signatures.

Elle plaide le « profond mécontentement » des Canadiens d’origine marocaine face à la représentation « inexacte » du Royaume du Maroc qui aurait été « amputé de son Sahara ». Selon les signataires, la région fait partie intégrante du pays, dont les frontières sont « internationalement reconnues ».

En attendant des rectifications, ils appellent la population à ne plus fréquenter le lieu.

« Nous croyons qu’il est extrêmement important pour le Parc Safari de garantir l’exactitude de son contenu éducatif pour tous ses visiteurs », indique la pétition.

Mais le parc à thème est-il vraiment mauvais ?

Un conflit qui continue

« La question du Sahara occidental fait l’objet de vifs débats diplomatiques depuis 50 ans », souligne la directrice scientifique du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CÉRIUM), Laurence Deschamps-Laporte.

Cette ancienne colonie espagnole, d’une superficie de 266 000 kilomètres carrés, est revendiquée à la fois par le Maroc et la République arabe sahraouie démocratique (RASD), proclamée en 1976 par le Front populaire de libération du territoire, connu sous le nom de « Front Polisario ».

Ce mouvement politique a été créé en 1973 pour lutter contre l’occupation espagnole. Son objectif est l’indépendance totale du Sahara occidental.

« Les séparatistes sont soutenus par l’Algérie, alors que le Maroc reconnaît ce territoire comme partie intégrante du pays », a déclaré M.^moi Deschamps-Laporte.

Il convient de noter que le Maroc contrôle et administre près de 80% du Sahara occidental, en plus de ses villes et centres urbains.

« Lorsque l’Espagne s’est installée dans la région vers 1880, il y avait déjà une présence marocaine. Le gouvernement s’appuie sur ces fondements historiques, qui remontent à plusieurs siècles, et considère le territoire comme une partie indissociable de son pays », explique son collègue chargé de recherche sur l’Afrique au CÉRIUM, Nicolas Klingelschmitt.

Le différend entre les deux pays est « toujours très actuel », ajoute-t-il.

L’Algérie a également rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc en 2021, notamment à cause de cette question.

Puis, en avril dernier, une demi-finale de la Coupe de la Confédération africaine de football (CAF) entre l’Algérie et le Maroc avait même été annulée à la dernière minute en raison d’un différend autour du maillot porté par les Marocains, sur lequel figurait une carte du pays incluant le Sahara occidental.

Une petite ligne d’une grande importance

Au Parc Safari, on explique que la carte controversée, qui se trouve sur la terrasse Afrika, est tirée de National Geographic et date de 2012.

«Lorsque la carte sera repeinte lors des rénovations prévues, la nouvelle illustration des pays du continent africain tiendra compte des nouvelles frontières», affirme la direction du parc.

Mais la fine ligne pointillée qui sépare le Sahara occidental du reste du Maroc sur les cartes géographiques « a une très grande importance » géopolitique, selon M. Klingelschmitt.

« Si le Safari Park maintient la frontière, cela fera plaisir au Front Polisario et à l’Algérie. S’il change la carte, cela fera plaisir au Maroc », résume-t-il.

L’Organisation des Nations Unies (ONU) considère le Sahara occidental comme un « territoire non autonome », c’est-à-dire qu’il n’a pas encore obtenu de statut juridique définitif depuis le départ des Espagnols en 1975.