La stratégie du contre-feu consistant à agiter la « main de Moscou » dans la crise avec l’Algérie menée par le gouvernement espagnol était jusque-là informelle, elle vient de prendre une tournure officielle avec les propos de la première vice-présidente et ministre des Affaires économiques et de la Transformation numérique, Nadia Calviño, selon lesquels l’Algérie “s’aligne de plus en plus sur la Russie » et, par conséquent, elle n’est pas surprise désormais par les décisions prises par le gouvernement algérien.
Comme preuve de cet “alignement”? La ministre espagnole affirme l’avoir constaté lors de la réunion de printemps du Fonds monétaire international, en avril. « J’ai vu à l’époque que l’Algérie était de plus en plus alignée sur la Russie, donc cette (décision de suspendre le traité) ne m’a pas surprise », a déclaré lundi la ministre dans un entretien à Radio Catalunya.
L’assertion est grotesque et même si le ministre des affaires étrangères José Manuel Albares compte sur son compatriote Josep Borrell, au niveau de l’UE pour la faire passer, les diplomaties européennes sont amplement informées sur la politique extérieure de l’Algérie pour ne pas lui donner crédit. Le fait que Nadia Calviño “officialise” ce qui relevait jusque-là d’une campagne informelle du gouvernement espagnol ne va guère apaiser la situation.
A l’évidence, le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez et ses ministres veulent à tout prix détourner l’attention de l’opinion publique espagnole qui attend toujours une « explication » sur le retournement spectaculaire de la position de Madrid sur le Sahara Occidental. La question revient pourtant avec insistance dans les analyses des principaux médias espagnols et au sein de la classe politique qui, hormis le PSOE, a dénoncé le « giro » de Pedro Sanchez. La volonté de détourner l’attention en invoquant de manière ridicule la « main de Moscou » ne fait que conforter les suspicions que Pedro Sanchez est sous l’emprise des services marocains qui ont collecté des informations compromettantes sur lui (ou sur son épouse) sur son portable grâce au programme israélien Pegasus.
« El problema no está en Moscú, sino en Moncloa »
Les arguties du gouvernement espagnol selon lesquelles la Russie serait derrière la crise entre Madrid et Alger ont été qualifiés de “surprenants” et “peu crédibles” par un dirigeant du Parti Popular (Opposition de droite), Esteban González Pons, qui a souligné les “erreurs” de Pedro Sanchez en matière de politique étrangères. « L’argument selon lequel c’est Poutine qui est derrière les actions du gouvernement algérien est surprenant car l’Algérie entretient des relations extraordinaires avec l’Italie », a noté déclaré González Pons. Pourquoi Poutine “chercherait à nuire aux relations de l’Algérie avec l’Espagne mais pas avec l’Italie,” a-t-il relevé.
“Que veut le président (Sanchez), qu’on se taise ? », s’est demandé Pons, en réponse aux propos du président du gouvernement espagnol accusant le PP de soutenir l’Algérie. La porte-parole du PP à la Commission des Affaires étrangères du Congrès, Valentina Martínez, a jugé qu’il n’est pas « très intelligent » de la part du gouvernement de désigner la Russie comme la raison derrière les mesures prises la semaine dernière par l’Algérie contre l’Espagne. « Si vous voulez donner l’opportunité au dialogue, vous devez créer les conditions pour le rendre possible, au lieu de dire qu’il y a quelqu’un d’autre derrière ».
La campagne d’intox menée par le gouvernement espagnol devient donc publique après les déclarations ridicules de Nadia Calviño. Une campagne sans effet, l’Algérie, même si elle a d’excellentes relations avec la Russie, a sa propre politique extérieure. Elle est surtout sans effet sur l’opinion en Espagne. Les Espagnols savent que le problème n’est pas à Moscou mais à la Moncloa. El problema no está en Moscú, sino en Moncloa.