Projet de résolution américaine sur le Sahara Occidental : Le Front Polisario dénonce «une dérive historique» 

Projet de résolution américaine sur le Sahara Occidental : Le Front Polisario dénonce «une dérive historique» 

(Dessin : Le Hic )

 M. F. Gaïdi – El Watan
Le ton est grave et sans détour. Dans une lettre adressée vendredi à Vassily Nebenzia, président du Conseil de sécurité et représentant permanent de la Russie à l’ONU, le coordinateur du Front Polisario, Sidi Mohamed Omar, accuse le projet de résolution américain de représenter « une dérive grave et sans précédent » dans le traitement du dossier du Sahara occidental. 

Le texte présenté par Washington, dans son rôle de «porte-plume» du Conseil, marque selon lui une rupture avec le cadre juridique établi depuis des décennies, notamment le principe cardinal du référendum d’autodétermination. Sous couvert de pragmatisme diplomatique, le projet américain semble vouloir remodeler le processus de paix selon une logique d’accommodement politique plutôt que juridique.

En omettant toute référence explicite au référendum d’autodétermination, il redéfinit de facto la nature même du conflit, au mépris des résolutions fondatrices de l’ONU et des aspirations du peuple sahraoui. Le Front Polisario y voit non seulement un biais manifeste en faveur des positions marocaines, mais aussi une remise en cause du rôle d’arbitre impartial des Nations Unies. « Si le Conseil de sécurité devait adopter un texte imposant des résultats prédéterminés, il compromettrait gravement sa crédibilité et celle de la MINURSO», avertit Sidi Mohamed Omar dans sa lettre.

La colère du Front Polisario s’explique aussi par deux absences majeures. La première, celle du peuple sahraoui lui-même, pourtant principal concerné. Le texte américain ne fait aucune mention d’une consultation directe ni d’un cadre garantissant la participation sahraouie aux négociations. Une omission qui équivaut, pour le Polisario, à « une négation pure et simple du droit à l’autodétermination ».

La seconde, celle de l’Espagne. Ancienne puissance coloniale du Sahara occidental, Madrid demeure dépositaire d’une responsabilité historique, morale et politique dans ce conflit. Or, son exclusion du projet américain interroge. «On ne peut construire une paix durable en marginalisant les acteurs historiques et en contournant les principes qui fondent le droit international», soutient, par ailleurs, le Polisario à New York.

«Instrument de gestion du statu quo»

En écartant l’Espagne, le projet réduit le champ diplomatique à une confrontation bilatérale Maroc-Front Polisario, sous l’œil intéressé des grandes puissances, au risque d’enfermer la question sahraouie dans une logique d’équilibre de forces plutôt que de justice. Plus de trente ans après la création de la MINURSO, la mission onusienne censée organiser le référendum d’autodétermination peine à remplir son mandat.

Le Front Polisario accuse certains membres du Conseil de vouloir transformer cette mission en simple instrument de gestion du statu quo. En d’autres termes, une force de stabilisation politique dépourvue de toute ambition de règlement définitif. Ce sentiment d’impasse nourrit une défiance croissante. « La paix ne se décrète pas depuis les capitales, elle se construit avec les peuples», martèle Sidi Mohamed Omar, qui appelle à un dialogue «limité dans le temps», «sans conditions préalables » et «dans un esprit de bonne foi». Le rejet du projet américain s’inscrit dans un contexte géopolitique où les rivalités de puissances se mêlent aux alliances régionales. Washington, qui s’est rapproché du Maroc depuis la reconnaissance par l’administration Trump de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, tente aujourd’hui de consolider une ligne diplomatique «pragmatique» mais controversée. La Russie, la Chine et plusieurs membres non permanents du Conseil de sécurité voient dans ce projet une tentative d’imposer une lecture politique biaisée du conflit.

À l’inverse, certains alliés occidentaux de Washington y voient une opportunité de relancer un processus enlisé, au risque de sacrifier la lettre du droit sur l’autel du réalisme diplomatique. Pour le Front Polisario, la question est désormais existentielle  : «ou bien l’ONU reste fidèle à ses principes fondateurs, ceux du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ou bien elle se condamne à l’impuissance morale».

L’adoption d’une résolution non conforme au droit international ne ferait, selon Sidi Mohamed Omar, qu’alimenter la frustration, raviver les tensions militaires dans la région et compromettre toute perspective de paix durable. «Le peuple sahraoui a attendu trop longtemps. Il ne peut accepter qu’une solution imposée lui soit dictée par des intérêts étrangers», conclut-il.

Alors que le Conseil de sécurité s’apprête à délibérer à huis clos, les cartes sont plus que jamais brouillées. Si la Russie, soutenue par d’autres membres du Conseil, choisit de freiner l’adoption du projet américain, une nouvelle séquence diplomatique pourrait s’ouvrir, recentrée sur la légitimité du droit à l’autodétermination. Mais si Washington impose son texte, c’est l’ensemble de l’édifice onusien qui risque d’en sortir, fragilisé.  M.-F. Gaidi

Origen: Projet de résolution américaine sur le Sahara Occidental : Le Front Polisario dénonce «une dérive historique»