La situation du Sahara occidental a largement dominé, aujourd’hui, les délibérations de la Quatrième Commission, chargée des questions de politiques spéciales et décolonisation, qui ont fait une large place aux pétitionnaires.
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Au titre du Sahara occidental, pas moins de 25 pétitionnaires se sont exprimés, cet après-midi, sur une liste qui en comprend 131, à commencer par le représentant du Front POLISARIO, M. Sidi Omar, qui a revendiqué haut et fort le droit à l’autodétermination de son peuple et réclamé le respect de la légalité internationale et des résolutions pertinentes de l’ONU. Pour lui, la « loi du plus fort n’est pas une option » et « nier la vérité ne changera pas les faits », à savoir que l’ONU ne reconnaît pas la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, tout comme elle ne reconnaît pas son occupation et l’annexion illégale de certaines parties du territoire.
Il a trouvé écho auprès de certains pétitionnaires qui ont dénoncé, à sa suite, les « multiples violations des droits de l’homme » des Sahraouis sous « occupation marocaine ». Certains ont été jusqu’à soutenir que la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) ne ferait que servir les intérêts de la « monarchie alaouite », tandis que le peuple sahraoui serait quotidiennement malmené par le « colon marocain ». Dès lors, ces intervenants ont proposé de mettre fin à la MINURSO et à son mandat pour contraindre le Conseil de sécurité à « endosser la responsabilité qui est la sienne de protéger le peuple sahraoui de la monarchie alaouite ».
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D’autres se sont élevés contre le détournement de l’aide humanitaire en direction des camps de Tindouf, un fait révélé en 2015 par l’Office européen de lutte antifraude, et ont exigé à nouveau un recensement de la population de ces camps, une demande de longue date du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
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La Quatrième Commission poursuivra ses travaux demain, vendredi 11 octobre, à partir de 10 heures, par les auditions de pétitionnaires sur la question du Sahara occidental.
Suite du débat général sur les points relatifs à la décolonisation
Auditions des pétitionnaires
Sahara occidental
M. SIDI M. OMAR, représentant du Front POLISARIO, a rappelé que, contrairement à la plupart des anciennes colonies africaines, la décolonisation du Sahara occidental avait été « violemment interrompue » en 1975 par l’occupation illégale du territoire par le Maroc, qui se poursuit aujourd’hui. Comme elle le fait chaque année devant cette Commission, la Puissance occupante, le Maroc, et ses défenseurs vont à nouveau avoir recours à la désinformation et fabrication des faits pour présenter leurs données inexactes au sujet du Sahara occidental, a-t-il prédit. Il n’en reste pas moins que « nier la vérité ne changera pas les faits », a tranché le représentant du POLISARIO pour lequel il ne fait pas de doute que l’ONU ne reconnaît pas la souveraineté du Maroc sur ce territoire, tout comme elle ne reconnaît pas son occupation et l’annexion illégale de certaines de ses parties. Le Sahara occidental reste un territoire non autonome et son peuple a le droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance, conformément à la résolution 1514 de l’Assemblée générale de 1960 et d’autres résolutions pertinentes, a réaffirmé aujourd’hui M. Sidi Omar.
Alors qu’il resserre son occupation illégale, le Maroc continue de perpétrer des violations massives des droits de l’homme contre les civils sahraouis, y compris des femmes, des hommes, des enfants et des personnes âgées, a-t-il accusé. « Des arrestations arbitraires, des actes de torture et des passages à tabac sont monnaie courante de la part des autorités marocaines contre la population civile sahraouie », a poursuivi le représentant, en affirmant que la plupart de ces actes sont commis en l’absence de surveillance internationale, en raison de la « censure médiatique » et du « blocage militaire » imposés par le Maroc sur les « territoires sahraouis occupés ». Le pétitionnaire a ensuite dénoncé « l’exploitation et le pillage » des ressources naturelles sahraouies par le Maroc, de même que la production et l’exportation massives par ce pays de cannabis, qui ferait, selon lui, l’objet d’un trafic considérable au même titre que d’autres stupéfiants via le « mur militarisé » par les forces marocaines au Sahara occidental. Ce trafic illicite serait une source majeure de financement des organisations terroristes transnationales opérant dans les régions du Sahara et du Sahel, s’est alarmé M. Omar.
Sous la supervision de l’ancien Envoyé personnel du Secrétaire général, M. Horst Kölher, les deux parties au conflit s’étaient rencontrées à Genève, à deux reprises, en décembre 2018 puis en mars 2019, en présence également de délégations des pays voisins, l’Algérie et la Mauritanie. Le processus sous conduite de l’ONU a permis aux Sahraouis d’entrevoir un « rare espoir », a relaté le pétitionnaire. « Toutefois, l’intransigeance démontrée par la délégation marocaine au cours des pourparlers a rapidement compromis les chances de faire des progrès sur le fond ou de renforcer la confiance mutuelle entre les deux parties », a déploré M. Omar. Après la démission, le 22 août 2019, de M. Köhler, le processus de paix s’est retrouvé dans une impasse, en dépit des concessions et des sacrifices consentis par le Front POLISARIO, a-t-il constaté à regret, en accusant le Maroc d’avoir exploité cette pause pour intensifier ses « actions déstabilisantes » au Sahara occidental. « Il est impératif de ne pas perdre davantage de temps pour rétablir l’élan pris par le processus politique », a exhorté le représentant. « Notre droit inaliénable à librement déterminer notre avenir ne peut être supplanté par les réalités coloniales créées par la Puissance occupante dans le territoire au cours de son occupation prolongée et par l’intensification de ses politiques de peuplement et de répression », a ajouté le pétitionnaire. Dès lors, la question principale qui se pose à ce Comité est très simple, a-t-il estimé: « Est-ce que nous permettons à la ‘loi du plus fort’ de prévaloir dans le cas du Sahara occidental et, dès lors, de ne pas contester l’occupation illégale du Territoire par le Maroc? Ou allons-nous défendre sans réserve les principes de la légalité internationale et des résolutions de l’Assemblée générale relatives à cette question? ». Pour lui, la principale question à laquelle la Quatrième Commission doit répondre est de savoir si l’on va autoriser la « loi du plus fort » de gagner dans le cas du Sahara occidental, et autoriser que l’occupation illégale marocaine se poursuive ou si l’on va défendre les principes de la légalité internationale et les résolutions pertinentes de l’Assemblée générale sur cette question. Pour M. Sidi Omar et le peuple sahraoui la loi du plus fort n’est pas une « option ».
M. DANIEL DART, de l’organisation DEC Projects, s’est passionné pour la question du Sahara occidental il y a trois ans. Il a affirmé « avoir lu tous les articles et livres qu’il avait pu trouver » sur le sujet et s’être rendu à plusieurs reprises dans la région. « Plus j’en apprenais et plus j’étais dégoûté par les actes du Maroc, mais aussi par le silence et la passivité de l’ONU », a-t-il accusé. Le pétitionnaire a dénoncé les « violations massives des droits de l’homme » qu’il a imputées au Maroc. Il s’est ensuite lancé dans une diatribe contre la Quatrième Commission. « Depuis 44 ans, vous niez le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui! Que cette Commission existe encore est une honte pour la communauté internationale, vous n’avez rien fait pour dénoncer le Maroc et ses mensonges! » s’est-il exclamé. « Vous êtes face à une guerre et vous restez les bras croisés », a-t-il continué, avant d’appeler à la signature d’une lettre qu’il a rédigée pour l’organisation d’un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui.
M. MOHAMED ALI ARKOUKOU, de l’organisation Familles déplacées, a dit défendre le « territoire occupé » de la République du Sahara occidental et souhaité « faire entendre la voix des Sahraouis ». La poursuite de cette dernière situation coloniale en Afrique est imputable, selon lui, à l’incapacité de l’ONU de faire appliquer un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui, mais également à l’influence de la France et du Royaume marocain. Pour lui, la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) ne fait que servir les intérêts de la monarchie alaouite alors que le peuple sahraoui est malmené au quotidien par le « colon marocain ». Nous sommes un peuple occupé mais condamnons la manière avec laquelle le Conseil de sécurité traite de cette question, a lancé le pétitionnaire, en demandant le démantèlement du Comité des amis du Sahara occidental. Il a également demandé au Conseil de mettre fin à la MINURSO et à son mandat. Le Conseil de sécurité doit endosser la responsabilité qui est la sienne et protéger le peuple sahraoui de la monarchie alaouite.
M. MULA AHMED, qui parlait au nom de la Sahrawi Association in the United States, a dénoncé l’absence de liberté d’expression au Sahara occidental et accusé le Maroc de continuer de l’occuper. Il s’agit d’une question de droit international, d’autodétermination et de la capacité de l’ONU de faire respecter ses propres résolutions, a-t-il estimé. Toutefois, au fil des ans, la situation sur le terrain a changé, et le pétitionnaire a fait état de violations des droits de l’homme des Sahraouis qui « osent parler d’autodétermination » au Sahara occidental. Il faut que l’Envoyé personnel du Secrétaire général puisse avoir l’autorité de faire respecter les résolutions du Conseil de sécurité, a-t-il exigé, en reprochant son manque d’implication sur cette question à l’Union africaine. Il a salué l’initiative des États-Unis de limiter le renouvellement du mandat de la MINURSO à des périodes de six mois
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Mme FATEMATU JATRI EMHAMED, du Peace and Justice Center à Decorah, Iowa, a plaidé pour une solution politique pacifique et pour le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Rappelant que cette Commission existe pour décoloniser des territoires, elle a estimé qu’elle devrait avoir honte de son incapacité de faire appliquer ses propres résolutions faute de coopération de la Puissance coloniale marocaine. La représentante a également dénoncé le soutien de la France au Maroc et l’inaction de l’ONU.
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Mme VANESSA RAMOS, de l’American Association of Jurists, a pointé du doigt l’exploitation illégale des ressources naturelles du Sahara occidental par le Maroc, estimant qu’il est de la responsabilité de l’ONU de réaffirmer et de combattre l’existence de toute forme de colonialisme, y compris celui exercé par le biais d’une exploitation économique « incompatible avec la Charte des Nations Unies ». Face à ces pratiques et aux violations des droits du peuple du Sahara occidental, y compris les détentions arbitraires, le pétitionnaire a exhorté l’Organisation à protéger effectivement les droits culturels, sociaux, civiques, politiques et économiques du peuple du Sahara occidental et le Maroc à mettre fin à ses activités militaires dans la région, conformément aux résolutions pertinentes de l’Assemblée générale.
« Quand aurais-je le droit de voter à un référendum pour décider de l’avenir de mon territoire? » s’est demandé Mme Rahab Mohamed Nafe, après avoir expliqué qu’elle avait grandi dans les camps de réfugiés avec deux litres d’eau par jour en plein désert. Elle a demandé que la promesse de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) d’organiser un référendum soit enfin respectée. « J’ai eu une bourse d’études à 18 ans qui m’a permis de passer d’une vie de réfugiée à celle d’étudiante européenne », a-t-elle dit, avant d’espérer qu’elle sera la dernière étudiante sahraouie à devoir venir à New York pour demander la décolonisation de son pays.
M. SAID AYACHI, Président du Comité national algérien de solidarité avec le peuple sahraoui, une ONG algérienne, a affirmé que le peuple sahraoui vit une tragédie immense et une injustice violente et intolérable, « dont nous sommes tous en partie responsables à cause de notre silence et de notre inaction ». Malgré les dénonciations justifiées et répétées, malgré les multiples rapports vérifiés et établis par des ONG et des observateurs internationaux, les droits de l’homme continuent d’être violés par le Maroc au Sahara occidental, a-t-il affirmé, « ce territoire que le Royaume occupe depuis 44 ans sans que nul ne lui en ait donné le mandat ».
Le pétitionnaire a affirmé que le Maroc terrorise quotidiennement de façon délibérée la population sahraouie aux mains de son armée, de sa police et de son administration, expliquant cela par l’intention d’intimider les Sahraouis et de les réduire au silence, voire de les empêcher de revendiquer légitimement leur droit à la liberté et la dignité. Il a fait état de fosses communes et d’exécutions judiciaires ainsi que de prisonniers sahraouis dans les prisons marocaines pour avoir revendiqué leur liberté. Le pétitionnaire a également accusé le Maroc d’exploiter, en toute illégalité les ressources naturelles du Sahara occidental avec la complaisance de certains États étrangers. Pour le pétitionnaire, 27 ans après la création de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO), le référendum d’autodétermination du peuple sahraoui n’a toujours pas eu lieu, à cause de manœuvres dilatoires, de tergiversations infinies et de l’arrogance des autorités marocaines et de sa posture de défi vis-à-vis de la communauté internationale. Dès lors, il a demandé un élargissement du mandat de la Mission pour protéger les Sahraouis et faire respecter les droits de l’homme au Sahara occidental et d’organiser ce référendum le plus rapidement possible.
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M. BRIAN JAMISON, de Date Palm Consulting, a déclaré qu’il intervenait à titre personnel sans être rémunéré ni invité à le faire. Il a expliqué s’être rendu à six reprises dans les camps sahraouis pour y observer leurs efforts « pour survivre et transformer le sable en terre ». Il a rappelé que depuis l’arrivée des premiers Casques bleus au début des années 1990, deux générations de Sahraouis attendent que justice soit rendue.
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M. JOSE REVERT CALABUIG, Juristes pour la Paix et les Droits de l’Homme, a dit que le Sahara Occidental est un territoire militairement occupé. Il a expliqué que le recours, par le Maroc, à la déportation forcée, au transfert de colons Marocains, à la construction de colonies illégales et à la torture sont autant d’actes en contradiction avec les conventions de Genève, leur premier protocole, ainsi que la quatrième Convention de La Haye de 1907 relative aux obligations de la Puissance occupante.
Mme MARIA INES MIRANDA NAVARRO, de l’Association internationale des juristes pour le Sahara occidental, a dénoncé le « silence incompréhensible » de la Quatrième Commission sur ce dossier. Elle s’est aussi étonnée de celui de l’Espagne, Puissance coloniale qui parle de Gibraltar mais pas du Sahara occidental. « Le peuple sahraoui a été divisé, enfermé, maltraité, ses droits à l’autodétermination et à la souveraineté bafoués, tandis que les responsables vivent en toute impunité », a déploré la pétitionnaire.
Mme JANET LENZ, Not Forgotten, International Faith and Peace Dialogue, a déclaré avoir passé beaucoup de temps dans les camps de Tindouf en tant que travailleuse humanitaire américaine. Elle a estimé que le peuple sahraoui a été trahi parce qu’il lui a été demandé de déposer les armes en échange de l’organisation d’un référendum qui n’a jamais eu lieu. Elle a pris la défense de la nation sahraouie déplacée de force.
Lire plus à l’original: Quatrième Commission: représentants officiels et pétitionnaires présentent des visions contrastées des situations à Guam et au Sahara occidental