SAHARA OCCIDENTAL | 50 ans après les Accords Tripartites de Madrid : la trahison qui a ouvert la voie à l’occupation et que l’Espagne continue de prolonger

SAHARA OCCIDENTAL | 50 ans après les Accords Tripartites de Madrid : la trahison qui a ouvert la voie à l’occupation et que l’Espagne continue de prolonger

Il y a cinquante ans, l’Espagne décidait de signer les Accords tripartites de Madrid et d’abandonner le Sahara occidental à l’un des moments les plus critiques de son histoire. Un demi-siècle plus tard, les effets de cette décision demeurent intacts : un peuple divisé, un territoire occupé et une responsabilité que l’État espagnol persiste à ne pas assumer. Ce n’est pas seulement un épisode du passé ; c’est une blessure toujours ouverte, qui traverse le présent et conditionne toute possibilité de solution juste. Cet article revient sur cet héritage, sur la continuité de la politique espagnole et sur la résistance d’un peuple qui, malgré tout, n’a jamais cessé de lutter.


La trahison de 1975 : un accord illégal et une renonciation délibérée

Le 14 novembre 1975, l’Espagne a signé avec le Maroc et la Mauritanie les Accords tripartites de Madrid, un pacte censé « transférer » l’administration du Sahara occidental. Mais ce document — négocié dans l’agonie du franquisme — fut dès l’origine un simulacre : l’Espagne n’avait aucune capacité juridique pour céder l’administration d’un territoire non autonome et ne pouvait, en aucun cas, substituer au droit du peuple sahraoui son droit imprescriptible à l’autodétermination.

Les Nations Unies n’ont jamais reconnu ces accords. Quelques jours plus tard, le Secrétaire général confirmait que l’Espagne restait, jusqu’à l’achèvement de la décolonisation, la puissance administrante du Sahara occidental. L’Avis consultatif de la Cour internationale de Justice, rendu le 16 octobre 1975, avait d’ailleurs établi qu’aucun lien de souveraineté n’unissait le Maroc au territoire. Tout le reste releva d’une manœuvre politique destinée à couvrir une invasion militaire déjà engagée.

Cette signature marqua l’un des épisodes les plus honteux de l’histoire contemporaine de l’Espagne : l’abandon d’un peuple colonisé qui attendait un référendum promis, et le début d’un exode sous le feu, avec des bombardements documentés par des organismes internationaux.


De la retraite à la complicité : la continuité d’une faute

Cinquante ans plus tard, le schéma se répète. L’Espagne est passée d’une retraite lâche à une complicité active. Aucun gouvernement espagnol n’a corrigé la fiction de 1975 : l’idée que l’Espagne « s’est désengagée » du Sahara occidental. La réalité juridique, systématiquement ignorée, reste pourtant claire : la décolonisation n’a pas été achevée, et la responsabilité espagnole demeure entière.

La politique extérieure espagnole — souvent façonnée par les pressions marocaines — a consolidé un statu quo profondément injuste. La lettre envoyée en 2022 par Pedro Sánchez, soutenant unilatéralement le plan d’autonomie marocain, a été l’expression la plus récente de cette continuité : l’Espagne endossant la position de l’occupant, en contradiction avec le droit international et les arrêts du Tribunal de justice de l’Union européenne, qui réaffirment que le Maroc n’a aucune souveraineté sur le Sahara occidental.

L’Espagne a choisi de privilégier des intérêts économiques, des enjeux migratoires et une supposée stabilité frontalière, plutôt que d’assumer son obligation historique : garantir que le peuple sahraoui puisse exercer son droit de décider de son avenir. De la lâcheté, on est passé au calcul. Le résultat reste identique : la prolongation de l’occupation.


Un demi-siècle de résistance : un peuple qui n’a jamais renoncé

Face aux accords illégitimes de 1975 et à la consolidation de l’occupation marocaine, le peuple sahraoui a construit l’une des résistances les plus constantes du monde contemporain. Le Front Polisario, reconnu par l’ONU comme représentant légitime, a maintenu un projet national cohérent, solide et organisé malgré l’exil, la répression et le silence diplomatique.

La République arabe sahraouie démocratique (RASD), membre fondateur de l’Union africaine, a consolidé des institutions politiques et sociales durables. Dans les territoires occupés, la population sahraouie continue de manifester pacifiquement, en dépit des détentions arbitraires, des disparitions, de la torture et d’une surveillance systématique largement documentée. Et depuis la rupture du cessez-le-feu en 2020, le conflit armé a ressurgi, révélant la fragilité d’une « normalité » que certains acteurs internationaux tentaient d’imposer.

Rien de cela ne peut s’expliquer sans la force collective sahraouie : un peuple qui résiste depuis cinquante ans sans renoncer à son droit à l’indépendance.


L’Espagne : une responsabilité qui ne disparaît pas

L’Espagne tente de se présenter comme un acteur « neutre », mais la neutralité est impossible lorsqu’il s’agit d’un processus de décolonisation inachevé. Les obligations du droit international — comme le rappelle chaque année la Quatrième Commission de l’ONU — ne s’effacent pas avec le temps. La responsabilité de l’Espagne reste directe : faciliter, garantir et mener à terme un processus authentique d’autodétermination.

Ce n’est pas seulement une question morale. C’est une question juridique. Et une question politique : l’Espagne ne retrouvera aucune crédibilité internationale tant qu’elle défendra une position en contradiction avec son histoire et avec la légalité internationale.


Cinquante ans plus tard : ce qui demeure

Un demi-siècle après les Accords de Madrid, plusieurs évidences subsistent :

  • L’accord était illégal et n’a pas décolonisé le territoire.
  • L’Espagne demeure la puissance administrante, qu’elle le reconnaisse ou non.
  • Le Maroc occupe le Sahara occidental en violation du droit international.
  • Le peuple sahraoui conserve pleinement son droit à l’autodétermination.
  • Sans référendum, aucune solution politique n’est possible.

Et surtout : la cause sahraouie n’a jamais été vaincue. Elle est devenue un symbole international de dignité, de cohésion et de droit.

L’Espagne a encore la possibilité — et l’obligation — de rectifier. On ne peut pas réécrire l’histoire, mais on peut en corriger le cours. La première étape est de reconnaître la vérité : le Sahara occidental n’a pas été décolonisé en 1975. La seconde est d’agir en conséquence.


Victoria G. Corera
Plateforme « N’oublie pas le Sahara Occidental »


Descubre más desde

Suscríbete y recibe las últimas entradas en tu correo electrónico.