Par Houari A. – «Le Maroc n’en peut plus et demande de l’aide à l’Espagne pour se sortir d’une crise énergétique», titre l’édition espagnole du Huffington Post, qui indique que «les exportations de gaz de l’Espagne vers son pays voisin sont passées de 0,1% en 2022 à 18,5% du total en un an via le gazoduc maghrébin». Cette augmentation vertigineuse du volume de gaz fourni par Madrid au régime de Rabat suscite des interrogations sur son origine. Le média américain, qui reprend la déclaration d’une source officielle algérienne à Algeriepatriotique, relève que «l’Espagne a expédié un nombre impressionnant de 9 338 gigawattheures de gaz naturel vers le Maroc via le Gazoduc Maghreb-Europe, soit «une multiplication par 155 par rapport à l’année précédente».
«Cette augmentation des exportations de gaz vers le Maroc peut être attribuée aux tensions diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc, qui ont conduit à la fermeture d’un gazoduc clé en octobre 2021. L’Algérie a décidé de fermer le tube qui traversait le Maroc pour assécher son rival, tandis qu’il est resté le principal fournisseur d’autres infrastructures de l’Espagne», rappelle le Huffington Post. Et de préciser que le Maroc «s’est tourné vers l’Espagne pour éviter une crise énergétique», ce qui a poussé l’Algérie à «menacer de résilier son contrat gazier avec l’Espagne si une molécule de gaz algérien arrivait au Maroc». «Pour maintenir ses relations énergétiques avec Alger, le gouvernement espagnol a assuré à plusieurs reprises qu’aucun de ses approvisionnements en gaz n’était redirigé vers le Maroc», note ce média.
Mais de sérieuses interrogations persistent sur l’origine de ce gaz qui sauve le Maroc d’une crise à la libanaise, d’autant que la mise en garde de l’Algérie était ferme. «Pas une molécule de gaz algérien ne devra être réacheminée par l’Espagne vers le Maroc», avaient, en effet, confirmé des sources autorisées à Algeriepatriotique, après l’annonce par Madrid de sa décision de réactiver le Gazoduc Maghreb-Europe (GME) dans le sens inverse pour alimenter le voisin de l’Ouest, privé de cette énergie depuis que l’Algérie a acté la non-reconduction du contrat tripartite dans sa partie qui lie les deux pays maghrébins fin octobre dernier.
Dans un message électronique au ministre algérien de l’Energie, Mohamed Arkab, son homologue espagnole, Teresa Ribera Rodriguez, avait évoqué une simple «autorisation» de «fonctionnement en flux inverse» du GME. Il n’était donc pas question de revendre du gaz algérien au Maroc, dont la ministre de la Transition écologique, Leila Benali, expliquait que le royaume comptait s’approvisionner auprès du Qatar, en affirmant que «c’est la première fois que le Maroc entre dans le marché gazier du Golfe». Et de préciser, en anticipant la colère de l’Algérie qui pourrait adopter des mesures de rétorsion contre l’Espagne, que son pays «n’achète pas de gaz auprès de pays européens mais du marché international».
A la question de savoir si le gouvernement Sanchez allait réacheminer du gaz algérien vers le Maroc, nos sources avaient assuré qu’«il n’osera pas» car cela conduirait à l’aggravation de la crise déjà existante entre les deux pays dans le contexte actuel marqué par la guerre en Ukraine et les sérieuses menaces d’un élargissement du foyer de tension est-européen à l’ensemble de la planète à cause de la crise énergétique et alimentaire qu’il a engendrée. Cependant, précisaient nos sources, l’Espagne est libre de faire l’usage qu’elle veut de la partie du pipeline qui traverse son territoire, conformément à l’accord tripartite relatif à la mise en place de ce moyen de transport dont la construction s’est achevée en 1996. «Pour l’Algérie, la ligne rouge serait la livraison du gaz algérien au Maroc», insistaient nos sources, qui faisaient remarquer que ce dernier allait importer du GNL au prix fort, sans compter les frais de transport et ceux, élevés, induits par la regazéification dans les stations espagnoles.
Nos sources avaient assuré que le communiqué du ministère algérien de l’Energie était un «très sérieux coup de semonce», ce qui signifiait que l’Algérie surveille de près la destination de son gaz.
H. A.