Tribune — EUCOCO Paris 2025 : la France face à ses responsabilités au Sahara Occidental – Par Victoria G. Corera

Tribune — EUCOCO Paris 2025 : la France face à ses responsabilités au Sahara Occidental – Par Victoria G. Corera

La 49ᵉ Conférence européenne de coordination et de solidarité avec le peuple sahraoui (EUCOCO), qui vient de se tenir à Paris, a lancé un avertissement clair à la France et à l’Union européenne. Cinquante ans après le début de l’occupation marocaine du Sahara Occidental, la communauté internationale ne peut plus se réfugier derrière des formules diplomatiques creuses. La France, membre permanent du Conseil de sécurité, et l’Union européenne, puissance normative se réclamant de l’État de droit, portent une responsabilité politique qu’elles ne peuvent plus ignorer : l’impunité marocaine perdure parce que des capitales européennes l’acceptent.

Pendant deux jours, à l’Assemblée nationale, à la Bourse du Travail et sur la Place de la République, la 49ᵉ EUCOCO a rassemblé élus, syndicats, associations, juristes, parlementaires européens et militants venus de plusieurs continents. Ce rassemblement a produit une résolution sans ambiguïté : autodétermination, fin de l’occupation, respect du droit international. Autant de principes que la diplomatie française affirme soutenir dans ses discours, mais qu’elle s’abstient trop souvent d’appliquer lorsqu’il s’agit du Sahara Occidental.

La France, un acteur clé du blocage

Paris continue de jouer un rôle déterminant — et troublant — dans le maintien du statu quo. Par son soutien constant à Rabat au Conseil de sécurité, par son refus d’exiger clairement l’organisation du référendum prévu par l’ONU, et par la protection diplomatique qu’elle offre à la monarchie marocaine, la France contribue objectivement à l’enlisement d’un conflit qui n’a que trop duré.

Si la position officielle se veut équilibrée, la réalité l’est beaucoup moins : la France s’oppose à toute évolution du mandat de la MINURSO qui permettrait de surveiller les violations des droits humains ; elle protège la lecture marocaine de la résolution 2797, pourtant contredite par le texte lui-même ; et elle cautionne une politique régionale marquée par la répression, le pillage économique et un militarisme inquiétant.

L’Europe, entre valeurs proclamées et pratiques contradictoires

L’Union européenne, quant à elle, peine à concilier ses principes avec ses actes. Alors que la Cour de justice de l’Union européenne a rappelé à plusieurs reprises que le Sahara Occidental et le Maroc sont deux territoires distincts, la Commission européenne a tenté — une fois encore — d’imposer un accord de partenariat avec Rabat incluant illégalement le territoire occupé.

La tentative récente de modifier les règles d’étiquetage pour permettre aux produits sahraouis d’apparaître comme « origine Maroc » illustre cette dérive. Le Parlement européen, par une large majorité, a rejeté cette initiative le 26 novembre. C’est un signal fort, mais insuffisant : l’Europe doit se montrer capable de faire respecter sa propre jurisprudence.

Pourquoi le Sahara Occidental concerne directement la France

Certains voudraient réduire ce conflit à un différend régional. Il n’en est rien. Le Sahara Occidental est une question de droit international, de stabilité régionale, mais aussi de cohérence politique pour la France. Comment Paris peut-il défendre la souveraineté ukrainienne tout en cautionnant l’annexion d’un territoire classé « non autonome » par l’ONU ? Comment prétendre défendre les droits humains tout en ignorant les violations systématiques commises contre les Sahraouis ? Comment promouvoir la coopération euro-africaine tout en soutenant une occupation coloniale qui compromet l’avenir du Maghreb ?

La politique marocaine d’expansion économique — du pillage du phosphate aux investissements dans les territoires occupés — ne peut plus être dissociée de la répression politique et militaire. Et la France, en fermant les yeux, affaiblit son propre discours diplomatique.

Un tournant politique : 2026, cinquante ans d’occupation

La 49ᵉ EUCOCO ouvre un nouveau cycle de mobilisation qui culminera en 2026, à Madrid, pour la 50ᵉ édition. Cinquante ans de colonisation, cinquante ans de violations du droit international, cinquante ans d’un peuple contraint à l’exil dans les camps de Tindouf. Cette date ne sera pas seulement un anniversaire : ce sera un examen de conscience collectif.

Pour la première fois depuis longtemps, l’EUCOCO parle d’une seule voix et appelle explicitement la France à changer de cap. Paris ne peut plus se contenter d’une neutralité de façade. Elle doit devenir un acteur de la solution, non du problème.

Le message de Paris est clair

La tribune de la 49ᵉ EUCOCO est une invitation — ou une sommation — à réaffirmer les principes qui fondent l’engagement international de la France :
– le respect du droit international,
– le soutien aux peuples en lutte pour leur autodétermination,
– et la cohérence de la politique extérieure avec les valeurs républicaines.

Rien ne justifie aujourd’hui que la France continue de s’aligner sur une occupation condamnée par la Cour internationale de Justice, par les résolutions onusiennes et par le mouvement international de solidarité.

Les Sahraouis luttent depuis un demi-siècle. Le minimum que la France peut faire, en 2025, est de cesser d’être un obstacle.


49e EUCOCO – Résolution finale

Autodétermination et respect du processus de décolonisation du Sahara Occidental !

La 49ᵉ Conférence EUCOCO en soutien à la lutte du peuple sahraoui pour son droit inaliénable à l’autodétermination et à son émancipation coloniale pour l’indépendance s’est tenue les 28 et 29 novembre 2025 à Paris en France à un moment déterminant de l’histoire de la lutte menée par le peuple du Sahara Occidental sous la conduite du Front Polisario.

En présence d’une importante délégation sahraouie conduite par le Premier ministre de la RASD, M. Buchraya Bayun, la Conférence a constitué un moment majeur de solidarité internationale. Plus de 280 participants et de participantes de nombreux pays et continents y ont pris part : délégations institutionnelles, responsables politiques, parlementaires, associations et comités de solidarité, organisations syndicales et collectifs engagés. Une importante délégation algérienne s’est jointe à nos travaux, malgré le refus de visas par les autorités consulaires françaises.

Le choix de tenir cette conférence à Paris, pour partie à l’Assemblée Nationale, pour partie à la Bourse du Travail avant de se terminer par un rassemblement symbolique sur la Place de la République, se veut l’occasion d’appeler les autorités françaises à ne pas faire obstacle à la libre expression du peuple sahraoui à son droit inaliénable à l’autodétermination et à la décolonisation. La France se doit de défendre haut et fort au sein des institutions européennes, du Conseil de sécurité de l’ONU et de son Assemblée générale les règles du droit international et les droits fondamentaux du peuple sahraoui. Avec l’Espagne, elle peut amener le Maroc à mettre fin à son occupation coloniale du Sahara Occidental et contribuer ainsi à la relance du Maghreb comme ensemble de peuples ayant une destinée commune de coexistence pacifique et de développement et ainsi construire un partenariat exemplaire tant avec l’Europe qu’avec l’Afrique.

La Conférence a pris connaissance de la résolution 2797 du Conseil de sécurité de ce 31 octobre 2025 et dénonce l’interprétation tapageuse qu’en a fait le Maroc. Cette résolution confirme le mandat de la MINURSO, reconnaît le Front Polisario seul représentant du peuple du Sahara Occidental et dit clairement que l’Onu se doit de « parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable permettant l’autodétermination du peuple du Sahara occidental conformément aux principes et objectifs de la Charte des Nations Unies. Beaucoup de bruit pour rien car, quelques jours avant, le 16 octobre, la Quatrième Commission de l’Assemblée Générale adoptait une résolution réaffirmant le statut juridique du Sahara Occidental et la responsabilité de l’ONU envers le peuple sahraoui en matière de décolonisation. Le front Polisario transmettait pour sa part, le 21 octobre, « une proposition élargie » très élaborée permettant d’entrevoir les possibilités de coexistence et de coopération entre l’Etat sahraoui indépendant et le Maroc. Maroc qui, entretemps, dans le cadre des « accords d’Abraham » avec Israël, autre puissance coloniale occupant et martyrisant les Palestiniens, se fournit en armes et drones tueurs à l’encontre des populations sahraouies dans les territoires qu’il occupe.

La Conférence dénonce les manœuvres dilatoires de la Commission Européenne qui tente d’imposer un accord de partenariat avec le Maroc, contraire à l’arrêt de la Cour Européenne de Justice, celle-ci ayant, voici un an, annulé les accords commerciaux sur la pêche et l’agriculture pour non-respect du droit européen en raison de l’absence évidente de consentement du peuple sahraoui dans une logique coloniale favorable à l’occupant marocain et aux firmes agro-exportatrices. La conférence exprime sa satisfaction de constater qu’une large majorité de parlementaires européens ont dénoncé et condamné la Commission ce 26 novembre. L’EUCOCO se tient aux côtés des syndicats paysans qui ont mené campagne pour dénoncer ces manœuvres de la Commission qui sont d’ailleurs contraires aux intérêts de ses citoyens et repose sur un modèle commercial néolibéral dépassé et destructeur de l’environnement. L’EUCOCO travaillera avec le Front Polisario soucieux de la défense des intérêts du peuple sahraoui dans la protection de ses richesses naturelles et l’établissement d’un cadre commercial euro-africain basé sur la solidarité et la souveraineté alimentaire au bénéfice de toutes les populations.

Face à la persistance de violations massives des droits humains par le Maroc, la Conférence exige la libération immédiate de tous les prisonniers politiques sahraouis et l’accès des observateurs et organisations internationales aux territoires occupés. L’EUCOCO apporte son soutien aux familles des prisonniers et à ceux et celles qui manifestent au quotidien leur opposition à l’occupant marocain et aux colons. La conférence dénonce l’interdiction faite par le Maroc de l’accès aux territoires sahraouis occupés pour les observateurs internationaux, les avocats, les délégations de parlementaires.

La conférence dénonce les manquements graves dont souffrent les populations refugiées dans les campements de Tindouf en égard aux standards internationaux. Elle soutien l’appel pour un accroissement substantiel à hauteur de 177 millions de dollars lancé par 27 organisations onusiennes et ONG le 21 novembre à Alger.

La Conférence a été précédée cette année des réunions de travail des ateliers thématiques (politique et information, consolidation de l’État sahraoui, droits humains et ressources naturelles), ainsi que des rencontres parlementaires, syndicales et des juristes dont les conclusions et les programmes sont annexés à la présente déclaration.

Les travaux parlementaires, syndicaux et les ateliers thématiques ont permis d’élaborer un vaste programme de mobilisation en faveur du respect du droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination, conformément aux résolutions pertinentes de l’ONU, notamment les résolutions A.G. 1514 (XV) et 34/37.

La Conférence approuve les conclusions des ateliers « Politique et Information », « Droits humains et ressources naturelles », « Consolidation de l’État sahraoui » et « Contacts avec les syndicats ». Ces ateliers visent à renforcer la visibilité internationale de la cause sahraouie et à porter la voix du Front Polisario dans l’espace politique et médiatique européen, grâce à une communication résolument politique, fondée sur des interventions régulières, une présence constante dans les débats internationaux et la mise en avant de la résistance sahraouie. La mobilisation de la jeunesse est identifiée comme un axe essentiel.

La conférence EUCOCO appelle à une large mobilisation publique en Europe pour les 50 ans de l’occupation, ainsi qu’au renforcement des alliances, notamment avec les luttes des peuples colonisés. Les comités de soutien réaffirment les priorités politiques : organisation du référendum, cessation du pillage des ressources naturelles, dénonciation des violations des droits humains par les forces d’occupation marocaines et mise en lumière de la responsabilité de l’Espagne, de la France et des États-Unis.

Un programme de consolidation de l’État sahraoui est adopté dans les domaines social, économique et territorial. Les priorités pour 2026 incluent la mise en œuvre du système d’incitations, l’augmentation de l’aide internationale et l’organisation de Conférences des Villes Solidaires.

L’ensemble des programmes arrêtés durant cet EUCOCO seront l’occasion de commémorer les 50 ans de la lutte du peuple sahraoui pour le respect de ses droits fondamentaux.

La 50ᵉ conférence EUCOCO se tiendra à Madrid en 2026, lieu symbolique de la résistance sahraouie.

Vive la lutte du Peuple Sahraoui conduite par le Front Polisario,
Vive la RASD,
Vive la solidarité internationale

Paris, 29 novembre 2025.


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