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MEE : L’Union européenne s’est levée comme un seul homme pour défendre l’Ukraine, alors qu’elle n’a jamais rien fait de tel pour d’autres pays dans la même situation. On est toujours dans le « deux poids, deux mesures » ?
CP : Vous avez raison. L’Union européenne s’est tue devant tant de tragédies dans le monde. Peut-être parce que l’Ukraine c’est l’Europe, un État qui a des frontières communes avec nous.
L’engagement de la Catalogne par rapport au Sahara occidental a toujours été clair. Tous les peuples qui veulent exercer de façon pacifique et démocratique leur droit à l’autodétermination et qui défendent leur droit à exister doivent pouvoir le faire
Disons-le clairement, cette guerre nous touche profondément. Mais il existe aujourd’hui un espoir : que la tragédie ukrainienne puisse servir de catalyseur, de point d’inflexion. Cet espoir veut dire que dans le futur, on ne regardera pas de l’autre côté face à la tragédie d’autrui.
MEE : Mais est-ce possible ?
CP : C’est un défi. Nous nous engageons à ce que l’Union européenne regarde ce qui se passe ailleurs de la même manière qu’elle le fait aujourd’hui avec l’Ukraine.
Je suis peut-être naïf, mais je peux vous assurer que j’ai senti ce sentiment chez de nombreux collègues. J’ose espérer que dorénavant, l’Union européenne s’intéressera davantage à d’autres conflits, au Moyen-Orient, en Afrique, en Amérique latine. L’Union européenne doit agir partout comme une puissance mondiale des droits de l’homme.
MEE : Vous savez qu’au Maroc, certains aimeraient bien jouer votre carte face à l’Espagne. Quelques-uns disent ou même écrivent : si l’Espagne continue de soutenir l’indépendance du Sahara occidental, nous allons soutenir celle de la Catalogne. Que vous inspire cette comparaison ?
CP : Nous sommes favorables à l’intérêt des Marocains pour la Catalogne et pour comprendre le sentiment national catalan. Une comparaison ? Oui, pourquoi pas ? Ce genre de comparaison aurait été impossible il y a vingt ou quinze ans, mais aujourd’hui, la Catalogne est devenue un sujet international et ce n’est pas nécessairement négatif qu’il puisse être comparé à d’autres situations dans le monde.
Cela prouve que nous avons réussi à élargir la connaissance du mouvement national catalan. Après, bien entendu, il y a les intérêts et le jeu géopolitique, mais cela ne nous concerne pas.
MEE : Votre sentiment sur le conflit du Sahara occidental ?
CP : L’engagement de la Catalogne par rapport au Sahara occidental a toujours été clair. Tous les peuples qui veulent exercer de façon pacifique et démocratique leur droit à l’autodétermination et qui défendent leur droit à exister doivent pouvoir le faire.
Ceuta et Melilla, leviers de pression entre le Maroc et l’Espagne depuis plus de cinq siècles
MEE : On peut donc dire que vous êtes en faveur d’un référendum d’autodétermination au Sahara occidental.
CP : Oui. Il doit y avoir un référendum d’autodétermination au Sahara occidental pour que la population locale puisse s’exprimer librement et pacifiquement. D’ailleurs, j’ai écrit beaucoup sur ce sujet avant d’entrer en politique, quand j’étais journaliste.
MEE : Et pour Ceuta, Melilla et ces poussières d’empire qui longent la côte marocaine ?
CP : Le Maroc a parfaitement le droit de questionner la souveraineté espagnole sur Ceuta, Melilla, les îles Zaffarines, l’îlot Persil et tous ces rochers éparpillés.
Ce sont les restes d’une colonisation européenne qui empêchent la normalisation complète des relations entre l’Espagne et le Maroc. Cette situation est gênante, surtout qu’il s’agit dans ce cas de figure de l’Espagne, un État européen.