Bruxelles joue avec le feu au Sahara Occidental : un nouveau “mécanisme budgétaire” pour légitimer l’occupation marocaine

Bruxelles joue avec le feu au Sahara Occidental : un nouveau “mécanisme budgétaire” pour légitimer l’occupation marocaine

L’Union européenne tente de transformer une illégalité en politique de coopération : financer, avec des fonds européens, l’exploitation d’un territoire occupé afin d’éluder les arrêts de la Cour de justice.

L’article publié par Africa Intelligence le 24 octobre 2025, intitulé « Au Sahara occidental, Bruxelles se lance dans un périlleux exercice budgétaire », confirme ce que le mouvement sahraoui et de nombreux juristes européens dénoncent depuis des années : l’Union européenne met en place un système parallèle de légitimation de l’occupation marocaine du Sahara Occidental. Derrière un langage technique — « redistribution des bénéfices », « mécanisme de compensation », « projets de développement » — se cache une manœuvre visant à contourner les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et à maintenir les échanges commerciaux avec le Maroc comme si de rien n’était.

Selon l’article, Bruxelles et Rabat se sont entendus pour que la totalité des fonds destinés à “compenser” les bénéfices tirés de l’exploitation du Sahara Occidental soit financée par la Commission européenne, et non par le Maroc. L’UE, qui devrait en principe garantir le respect du droit international, devient ainsi complice financière du pillage. Les fonds seront destinés à des projets d’irrigation, d’énergies renouvelables ou de dessalement, sous la supervision de la Direction générale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (DG MENA) de la Commission européenne. Mais Africa Intelligence précise que les entreprises bénéficiaires sont marocaines ou étrangères liées à la monarchie, telles que Nareva, filiale du holding royal Al Mada, adjudicataire de l’usine de dessalement de Dakhla. Aucun de ces acteurs ne représente le peuple sahraoui ni ne détient de légitimité sur le territoire occupé.

L’idée de « fournir des avantages concrets et vérifiables aux populations sahraouies » — condition imposée par la CJUE pour tout accord commercial — perd ici tout son sens. L’article reconnaît que les véritables bénéficiaires ne seront pas les Sahraouis, mais les entreprises opérant dans le cadre de l’occupation, et que le dispositif « reste ambigu et à définir ». En d’autres termes, Bruxelles admet qu’elle ne peut garantir ni le contrôle ni la transparence d’un mécanisme qui viole ouvertement la jurisprudence européenne. Sous couvert de “développement”, l’UE finance des projets d’infrastructure qui consolident le contrôle marocain sur le territoire.

Plus encore, le texte révèle que le calcul des « avantages à redistribuer » pourrait reposer sur une formule aussi cynique que révélatrice : la différence entre les droits de douane qui auraient été perçus si les produits sahraouis n’avaient pas été intégrés à l’accord avec le Maroc et ceux effectivement appliqués. Autrement dit, Bruxelles compensera le “peuple sahraoui” avec l’argent que le Maroc et les entreprises européennes ont économisé en commerçant illégalement avec un territoire qui ne leur appartient pas. Ce n’est pas un mécanisme de justice : c’est un troc de culpabilité.

L’article indique également que la Commission européenne et le Maroc se sont donné deux mois — jusqu’à la fin décembre — pour en préciser les détails, en parallèle du débat du Conseil de sécurité de l’ONU sur le renouvellement du mandat de la MINURSO. La coïncidence n’est pas fortuite : tandis que New York débat de la légalité du processus politique, Bruxelles en redéfinit la dimension économique. C’est la même stratégie européenne depuis des années : remplacer l’autodétermination par la “coopération technique” et le droit international par la gestion comptable du pillage.

Ce qui est particulièrement grave, c’est que l’article mentionne aussi les réfugiés sahraouis de Tindouf comme bénéficiaires potentiels, en intégrant la Direction générale de l’aide humanitaire (DG ECHO) et celle de l’éducation et de la culture (DG EAC) parmi les responsables du dispositif. Présenter l’aide humanitaire — qui est un devoir, non une compensation commerciale — comme un élément d’équilibre d’un accord de libre-échange constitue une manipulation éthique et juridique sans précédent. Cela revient à troquer des droits souverains contre des aides alimentaires et des bourses, comme si l’autodétermination pouvait être remplacée par des subventions.

Africa Intelligence souligne enfin une question essentielle : le montant total de ces “avantages” n’a pas encore été défini et dépendra de révisions annuelles entre Bruxelles et Rabat. Autrement dit, plus le pillage du territoire sera important — plus on exploitera les tomates, le poisson ou le phosphate sahraoui —, plus la somme versée pour “compenser” cette exploitation augmentera. C’est l’institutionnalisation du cercle vicieux de l’illégalité.

Le Front POLISARIO, représentant légitime du peuple sahraoui, n’a été ni consulté ni informé officiellement de ce dispositif. L’article évoque son “acceptabilité incertaine”, mais la position sahraouie est claire : aucun accord incluant le Sahara Occidental sans le consentement du peuple sahraoui n’a de validité juridique.
C’est ce qu’ont affirmé la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour africaine des droits de l’homme et les Nations unies elles-mêmes. L’Europe le sait. Pourtant, elle continue d’agir comme si le droit international n’était qu’une variable politique.

Le “mécanisme budgétaire” décrit par Africa Intelligence est en réalité un exercice de cynisme politique.
Coincée entre la pression des lobbys agricoles, les exigences marocaines et les arrêts du TJUE, la Commission européenne a choisi une voie impossible : payer pour continuer à violer la loi. Pendant que les Européens financent l’occupation, les Sahraouis continuent d’en payer le prix avec leur liberté.

Bruxelles peut appeler cela “compromis”, “coopération” ou “solidarité”, mais la réalité est limpide : l’Europe, qui se prétend défenseure du droit international, choisit au Sahara Occidental de fermer les yeux, pourvu que les tomates continuent d’arriver et que les contrats restent signés.

Par la Plateforme “N’oubliez pas le Sahara Occidental”