Entretien/ El Ghalia Djimi, membre de l’ISACOM : « Nous avons touché et remué les sentiments de De Mistura !»   

Entretien/ El Ghalia Djimi, membre de l’ISACOM : « Nous avons touché et remué les sentiments de De Mistura !»   
 
 

El Ghalia Djimi est une courageuse militante de la juste et noble cause sahraouie. Courageuse, parce qu’elle continue de se battre, pour l’indépendance de son pays depuis les territoires occupés, avec tout ce que cela implique comme menaces et souffrances pour elle et sa famille.

Membre fondatrice de l’ISACOM avec Aminatou Haidar, elle fait partie des militants sahraouis reçus la semaine passée pendant deux heures par Staffan de Mistura, envoyé personnel du SG de l’ONU pour le Sahara Occidental.

Elle nous raconte en exclusivité dans cet entretien le déroulement de sa rencontre avec ce diplomate italo-suédois, mais aussi le climat qui a régné autour d’elle durant les deux jours ayant précédé cette rencontre. Si pour elle, De Mistura s’est montré sensible à ses argumentations, elle estime que celui-ci donne l’aire de rechercher une « solution globale » à ce conflit, et ne cherche donc pas à s’appesantir sur les questions liées aux droits de l’Homme, aux prisonniers politiques, au pillage des ressources naturelles… fait-il fausse route, ou est-il sur la bonne voie ?

L’avenir très proche nous le dira. En attendant, pour cette militante qui a déjà connu les geôles et les tortures des sbires de Mohamed VI, le combat se poursuit, plus intense et plus déterminé que jamais. Jusqu’à la victoire finale.

 « La société civile sahraouie vit sous diverses formes de pressions et de répression de la part des forces d’occupation marocaine ».

 « La plupart d’entre nous ne mangent pas à leur faim, et ne peuvent même pas se permettre d’acheter un quart de kilo de lentilles ».    

 « Nous, qui sommes passés par les disparitions forcées, ils ne peuvent nous imposer silence ». 

 « Nous avons tout exposé à M. De Mistura de façon sincère et réaliste. Nous avons parlé avec courage et transparence des persécutions dont nous sommes régulièrement victimes ».  

« De Mistura nous a expliqué que ce n’est pas le Maroc qui lui a interdit de venir au Sahara Occidental, mais plutôt lui, à cause des conditions inacceptables que lui avaient imposées Rabat ».

 « S’agissant des impressions globales de De Mistura, et à l’écoute de nos témoignages, tous plus accablants les uns que les autres, nous avons senti avoir touché et remué les sentiments de ce diplomate ».

 

« Le Maroc ne veut toujours pas reconnaitre qu’il est une puissance occupante. Nous en avons longuement parlé avec De Mistura. Il a été pleinement sensibilisé par nous sur cette question ».   

Entretien réalisé par Mohamed Abdoun

La Patrie News : Vous faites partie de la délégation sahraouie reçue ce mardi par Staffan de Mistura, envoyé personnel du SG de l’ONU pour le Sahara Occidental. Que s’est-il passé lors de cette rencontre ?

El Ghalia Jimi : Effectivement, nous avons pu rencontrer enfin Staffan de Mistura en date du 5 de ce mois. Mais, avant de répondre plus en détails à votre question, je tiens à décrire le climat général qui a régné dans les territoires occupés avant ce jour.

Le régime d’occupation marocain applique les mêmes méthodes répressives à chacune de nos occasions nationales, ou lors de visites menées au Sahara Occidental comme celle de De Mistura, Ross, Kohler, Baker ou autre. En ces occasions, on subit une insoutenable pression et surveillance sécuritaire. Tous les défenseurs des droits de l’Homme et de l’indépendance du Sahara Occidental, sont étroitement suivis et surveillés.

Me concernant, en plus de la voiture de police constamment garée à côté de ma maison, des hommes à moto viennent en renfort pour suivre tous mes mouvements et tous mes déplacements, même quand je vais au marché faire mes courses. Nous connaissons parfaitement ces agents avec leurs voitures, et arrivons même à les prendre discrètement en photo. Cette surveillance étroite et exceptionnellement renforcée a duré nuit et jour lundi, mardi et mercredi.

Jusqu’au départ de De Mistura de Laâyoune vers Dakhla. Cette surveillance ostensible constitue un message fort en direction du citoyen lambda, pour qu’il ne nous soutienne pas, et se tienne à l’écart de notre combat libérateur. La pression et la surveillance ostensibles que subissent Aminatou Haidar, El Ghalia Jimi, représente une forte pression morale et politique  sur les simples citoyens marocains. Il s’agit de fortes campagnes anticipatrices, visant à dissuader et à terroriser les populations.

A chacune de ces occasions, nous, à l’ISACOM (instance sahraouie contre l’occupation marocaine), dont je suis membre fondatrice, appelons les citoyens à des sit-in pacifiques de protestation. La société civile sahraouie vit sous diverses formes de pressions et de répression de la part des forces d’occupation marocaine. A côte de cette pression politique générale, tous les sahraouis souffrent de chantage économique et financier.

Le monde entier doit savoir que les richesses immenses du peuple sahraoui sont pillées par l’occupant marocain avec la complicité de nombreuses multinationales, françaises et espagnoles notamment. Globalement parlant, aucun Sahraoui n’a le droit d’être employé dans les administrations publiques. S’ils exercent des fonctions libérales, ils subissent des entraves et des sanctions qui visent à les ruiner, et à les empêcher d’être forts et autonomes financièrement.

L’aide sociale dispensée par l’occupant marocain est une odieuse forme d’esclavage du peuple sahraoui. C’est la carte dite de réanimation sociale, qui octroie à chaque Sahraoui entre cent et 10 euros. Cette aide est systématiques coupée pour tout citoyen exprimant la moindre idée indépendantiste. C’est par ce cruel chantage social que l’occupant marocain tente de bâillonner la société civile sahraouie. Ces insignifiantes aides sont subordonnées au silence et à l’abdication des malheureux sahraouis qui en bénéficient.

Outre le fait qu’aucun d’entre eux ne bénéficie d’aucune couverture sociale, ces derniers perdent automatiques leurs migres subsides s’ils participent à des manifestations pacifiques ou rendent visite à une famille de détenus politiques. Rien à voir avec ce qu’il se passe dans les camps de réfugié, où la dignité, la santé, la nourriture et les libertés sont garanties. Ici, dans les territoires occupés, même un quart de kilo de lentilles nous est précieux.

Car,  la plupart d’entre nous ne mangent pas à leur faim, et ne peuvent pas se le permettre. Notre paupérisation est devenue affreusement inquiétante. Ceux qui se voient couper ces maigres revenus sont tenus de signer un engagement écrit de ne plus manifester, ou se solidariser avec les prisonniers politiques.

L’écrasante majorité des Sahraouis, victimes de cet odieux et criminel chantage, sont astreints à un silence forcé. C’est ainsi que le régime marocain perpétue son occupation du Sahara Occidental depuis 1975.

Malgré ce climat de tension et de pression, il y a eu une manifestation pacifique, qui a bravé la peur et le chantage des forces d’occupation. Comment cela s’st-il passé ?

Nous avons lancé un appel général deux-trois-jours avant l’arrivée de M. De Mistura. Cet appel est celui des cadres et dirigeants du front Polisario. Il a été diffusé sur la chaine de télévision officielle de la RASD.

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