L’Expression – Le Quotidien – Mohammed VI et ses démons

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Par Saïd BOUCETTA

Il n’est nul besoin d’attendre grand-chose de l’initiative de Rabat, à voir la posture marocaine sur plusieurs dossiers.

Le contentieux algéro-marocain pourra-t-il être soldé après la visite d’un haut fonctionnaire marocain versé dans le renseignement, donc dans l’antiterrorisme? Il serait naïf de penser que le séjour d’un ministre délégué aux Affaires étrangères suffise à réchauffer les relations entre Rabat et Alger au point d’envisager une éventuelle initiative commune qui soit assez forte pour imprimer une dynamique régionale nouvelle. Le royaume n’est pas dans cette logique d’apaisement quel que soit le contenu du message adressé par Mohammed VI au président de la République. Il est évident, en effet, que toute démarche marocaine est mue par un esprit calculateur, dans le sens d’amener Alger à s’aligner sur les thèses du Palais royal sur la question du Sahara occidental. Et dans le cas d’un refus, ce qui est d’ailleurs systématique, Rabat sort son artillerie médiatique, diplomatique et politique pour «pilonner» son voisin de l’Est, portant contre lui des accusations autant gratuites que tout à fait invraisemblables. Plus que «l’effet média», le Maroc a réellement attenté à la dignité des Algériens et à leurs biens. En imposant le visa aux Algériens suite à l’attentat de Casablanca en 1994, des milliers d’Algériens avaient été chassés du territoire marocain et des centaines avaient été purement et simplement spoliés de leurs biens. Et plus récemment, la profanation de l’emblème national, le jour-même de la célébration par l’Algérie du 59e anniversaire du déclenchement de sa Révolution, confirme une tentation quasi permanente à la provocation. L’actuel roi comme son père, n’use de ces manoeuvres que pour chahuter le tableau maghrébin et rappeler à tous la prise d’otages qu’il pratique sur toute la région.
Dépêcher un ministre délégué, avec la certitude qu’il ne sera jamais reçu par le président de la République pour d’évidentes raisons de protocole, signifie que Mohammed VI n’est pas motivé par un rapprochement sérieux entre son pays et l’Algérie. Les observateurs qui connaissent assez bien la «tactique» du Royaume alaouite préfèrent voir dans l’attitude de Rabat une énième «feinte» destinée à gagner du temps ou encore à créer l’illusion d’un prochain accord algéro-marocain pour servir Dieu sait quel projet. En tout cas, il n’est nul besoin d’attendre grand-chose de cette démarche, à voir la posture marocaine sur plusieurs dossiers, dont celui du Sahara occidental ou de la lutte contre le crime organisé.
Il faut dire qu’en sa qualité de premier producteur de kif de la planète, le Maroc est un facteur central de la déstabilisation de la région du Sahel d’où transite la drogue. Avec ses 700 000 tonnes produites annuellement, le royaume est le fournisseur attitré de tous les trafiquants du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne. Des dizaines de milliers de criminels se nourrissent de ce vaste trafic et nourrissent, au passage, les groupes terroristes qui infestent la région. La collusion entre les terroristes et les réseaux mafieux n’est plus à démontrer. Les nations du monde, et notamment les Etats-Unis et la France, puissants alliés de Rabat, sont devant un narco-royaume qui entretient une instabilité chronique au Sahel et refuse de céder au principe onusien de l’autodétermination des peuples. Tout ce que l’ONU combat depuis sa création. Ce pays est passé maître dans la nage en eaux troubles de la diplomatie underground. Les deux rois qui s’y sont succédé ont réussi à «soudoyer» pas mal de politiques par le biais de la corruption et de la tentation.

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