Bruxelles – Le Parlement européen a annoncé lundi avoir lancé une procédure d’urgence, à la demande des autorités judiciaires belges, pour lever l’immunité de deux députés dans le cadre d’une enquête pour corruption.
«Répondant à une requête des autorités judiciaires belges, j’ai lancé une procédure urgente pour lever l’immunité de deux membres du Parlement. Il n’y aura aucune impunité, absolument aucune», a tweeté la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola.
Mme Metsola communiquera formellement cette demande aux eurodéputés lors de leur prochaine session plénière, le 16 janvier à Strasbourg. La commission parlementaire des Affaires juridiques (JURI) devra ensuite l’examiner, à huis clos, et prononcer une proposition de décision, qui fera in fine l’objet d’un vote de tous les eurodéputés en plénière.
Le premier concerné par la levée d’immunité est l’eurodéputé italien Andrea Cozzolino, appartenant au groupe S&D (socio-démocrates), dont la politique aurait été influencée au nom du Maroc par lui et deux autres de ses compatriotes, en l’occurrence Pier-Antonio Panzeri et Francesco Giorgi.
Le deuxième étant le Belge Marc Tarabella, également du groupe S&D.
Les deux élus concernés sont visés dans le cadre de l’enquête qui a conduit les enquêteurs belges à arrêter le 9 décembre la vice-présidente de l’institution, l’eurodéputée socialiste grecque Eva Kaili.
Corruption au PE: un nombre beaucoup plus important d’eurodéputés visé par Rabat
Le compagnon de cette dernière, Francesco Giorgi, qui est par ailleurs l’assistant parlementaire de M. Cozzolino, l’ex-eurodéputé socialiste Panzeri, ainsi qu’un responsable d’ONG, Niccolo Figa-Talamanca, comptaient également parmi les personnes interpellées.
Ces quatre personnalités ont été inculpées pour «appartenance à une organisation criminelle», «blanchiment d’argent» et «corruption», dans un scandale qui a provoqué une onde de choc au Parlement européen.
Mme Kaili n’a pas bénéficié de son immunité parlementaire car l’infraction avait été constatée en flagrant délit, des «sacs de billets» étant découverts dans son appartement. Elle a été déchue le 13 décembre de son titre de vice-présidente du Parlement européen par un vote à la quasi-unanimité des eurodéputés.
Au total, les enquêteurs belges ont mis la main sur 1,5 million d’euros en liquide, d’après une source judiciaire, saisis aux domiciles de M. Panzeri et de Mme Kaili, ainsi que dans une valise transportée par le père de celle-ci.
En Belgique, l’enquête a donné lieu à vingt perquisitions entre le 9 et le 12 décembre, y compris au sein du Parlement européen.
Depuis plusieurs jours, les révélations sur le «Marocgate» ne cessent de s’accumuler.
Jeudi, le journal italien «Il Corriere della Sera» a fait savoir que Rabat aurait mené des actions d’ingérence au sein de plusieurs autres institutions européennes, en ayant recours à la corruption pour soudoyer des personnalités influentes.
Le Maroc se serait ainsi tourné vers un groupe parlementaire pour «cultiver ses multiples intérêts en le faisant guider dans ses opérations par Mohamed Belahrache, un officier de la DGED (Direction générale des études et de la documentation), les services secrets de Rabat».
Cet officier marocain aurait agi par l’intermédiaire de l’ambassadeur du Maroc en Pologne, Abderrahim Atmoun, qui «travaillerait en étroite collaboration avec les services secrets marocains» et qui aurait rencontré plusieurs fois Panzeri et Cozzolino à Bruxelles et Varsovie.
Pour mener leurs opérations, ces derniers auraient compté «sur la collaboration d’un groupe d’eurodéputés -tous membres du groupe parlementaire S&D- décrits comme des ‘amis’ dont les plus proches seraient Eva Kaili, Arena Maria, Moretti Alessandra et Benifei Brando Maria».
La co-présidente du groupe de la Gauche au Parlement européen, Manon Aubry, a indiqué que les révélations faites jusque-là sur le «Marocgate» pourraient bien n’être que la partie émergée de l’iceberg.
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