Ni victoire marocaine, ni défaite sahraouie : ce que révèle Ahmed Attaf sur la résolution du Conseil de sécurité et le bras de fer diplomatique autour du Sahara occidental

Ni victoire marocaine, ni défaite sahraouie : ce que révèle Ahmed Attaf sur la résolution du Conseil de sécurité et le bras de fer diplomatique autour du Sahara occidental

Le projet initial visait à démanteler la MINURSO et à imposer l’autonomie comme solution unique

L’entretien accordé par le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, confirme une donnée essentielle : le premier projet de résolution présenté au Conseil de sécurité le 31 octobre 2025 – le fameux « draft zero » – visait clairement à réduire drastiquement le mandat de la MINURSO et à ériger le plan d’autonomie marocain en unique cadre de règlement. Ce texte proposait notamment une prorogation de trois mois seulement pour la MINURSO, avec la perspective de transformer sa mission en un outil au service de la mise en œuvre de l’autonomie. Une telle logique revenait à enterrer la perspective du référendum d’autodétermination prévu par l’ONU depuis 1991.

Une pression diplomatique qui empêche le passage en force et rouvre l’espace du droit international

Selon Ahmed Attaf, ce « passage en force » a échoué grâce à l’action coordonnée de plusieurs États membres du Conseil de sécurité qui ont jugé le projet initial « trop partial et déséquilibré ». La résolution 2997 adoptée à l’issue des négociations sauvegarde trois éléments fondamentaux :

  • Aucune mention opérationnelle de la “souveraineté marocaine” sur le Sahara occidental dans le dispositif (seule une référence a été maintenue dans le préambule, avec une portée juridique bien moindre) ;
  • Ouverture à d’autres options de règlement que le seul plan d’autonomie marocain ;
  • Réaffirmation du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, conformément au droit international et à la Charte des Nations unies.

Ce résultat empêche le Royaume du Maroc d’utiliser le Conseil de sécurité comme un levier de normalisation de l’occupation et maintient intacte l’architecture juridique internationale placée sous le sceau de la décolonisation.

L’Algérie a failli voter pour : la ligne rouge était la référence à la « souveraineté » marocaine

Moment clé de l’entretien : Ahmed Attaf affirme que l’Algérie était à deux doigts de voter en faveur de la résolution si la référence à la souveraineté marocaine avait été retirée du préambule. Cette position confirme deux faits essentiels :

  1. L’Algérie n’est pas dans une logique de blocage systématique, mais dans une défense constante des principes du droit international et du processus de décolonisation ;
  2. La persistance de la mention préambulaire est une stratégie politique de Rabat, qui cherche à sauver symboliquement sa narration diplomatique, même lorsque le corps de la résolution contredit cette posture.

Le plan d’autonomie marocain : un document fragile, juridiquement creux et politiquement utilitaire

Attaf ne mâche pas ses mots à propos du plan marocain : « quatre pages très légères, sans contenu politique ni juridique sérieux ». Il rappelle qu’il n’a jamais été soumis au peuple sahraoui et que tous les envoyés personnels du Secrétaire général l’ont jugé insuffisant comme base de négociation. Ce soi-disant plan vise surtout à gagner du temps et à imposer, par l’usure, un fait accompli colonial.

Cette évaluation écarte l’idée selon laquelle la communauté internationale aurait adoubé une solution marocaine « réaliste » ou « pragmatique ». Elle montre au contraire l’opposition de fond entre le discours diplomatique de façade et la faiblesse intrinsèque du document.

Le dossier reste ouvert : autodétermination, consultation populaire et cadre onusien

Selon Attaf, les États-Unis eux-mêmes ont admis récemment que le plan d’autonomie n’est pas la seule base de solution et que toute sortie devra inclure une consultation démocratique du peuple sahraoui. S’ils évitent le mot « référendum », ils parlent clairement de « vote » ou de « scrutin », ce qui renvoie directement au principe cardinal de la décolonisation : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Conclusion : le droit international résiste, mais la lutte politique est loin d’être terminée

L’entretien d’Ahmed Attaf montre qu’en dépit des pressions visant à fermer le dossier du Sahara occidental autour de l’autonomie, la logique de décolonisation demeure le cadre de référence de l’ONU. La résolution 2997 n’est pas une victoire marocaine, mais le reflet d’un équilibre précaire où le droit à l’autodétermination continue d’exister – comme l’a voulu l’Assemblée générale depuis 1960.

Le message est clair : sans le vote du peuple sahraoui, aucune solution ne sera légitime ni durable. La communauté internationale le sait. Le Conseil de sécurité en a pris acte. Et aucune diplomatie de l’ambiguïté ne pourra faire disparaître ce principe fondamental.


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