La situation risque de devenir plus dangereuse dans les années à venir, à moins que la communauté internationale n’intervienne pour imposer un repos biologique et un contrôle strict de la surpêche des ressources halieutiques sahraouies», prévient Lahcen Dalil, militant sahraoui et membre de cette association, cité par l’APS.
Localisées dans les eaux du Sahara occidental, les ressources poulpières sont un enjeu politique et économique majeur dans ce territoire occupé par le Maroc. Les pêches, transformations et exportations de poulpes estampillés «Maroc», ont, en réalité, une origine totalement sahraouie. Elles ont été prélevées dans la plus totale illégalité, en violation du droit international régissant les territoires non autonomes dont celui du Sahara occidental, inscrit sur cette liste de l’ONU en 1963. En effet, en 1962, l’Assemblée générale de l’ONU consacrait les droits des peuples à «user et à disposer des ressources naturelles que recèlent leurs territoires pour assurer leur développement et leur bien-être». La jurisprudence a par la suite confirmé «les droits inaliénables» des peuples des territoires non autonomes sur leurs ressources naturelles, ainsi que leur droit «d’être et de rester maîtres de la mise en valeur future de ces ressources».
En vertu du droit international, «tous les Etats sont tenus de ne pas reconnaître une situation illégale résultant d’une annexion. Ils sont en outre dans l’obligation de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de cette situation illégale». Toutefois, le Maroc continue d’occuper, de coloniser et d’exploiter les ressources naturelles du territoire sahraoui avec l’appui de l’Union européenne (UE). Le rapport publié, il y a quelques mois, par la Direction générale de la pêche de la Commission européenne, révèle que l’accord de pêche conclu en 2019 entre l’UE et le Maroc dépendait, presque exclusivement, des captures au large du Sahara occidental occupé.
«Complicité»
Selon une évaluation de l’accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l’UE et le royaume du Maroc pour la période 2019/2023, réalisée par les cabinets de conseil «Poseidon Aquatic Resource Management» et «F&S Marine», «99% des captures réalisées par la flotte de l’UE, dans le cadre du protocole, ont été effectuées par des navires de pêche industrielle ciblant les petits pélagiques», c’est-à-dire la pêche de catégorie 6, pratiquée exclusivement au Sahara occidental occupé. Les entreprises espagnoles, particulièrement celles de la région de Galice, sont d’ailleurs les plus importantes exportatrices du poulpe du Sahara occidental.
Comme pour d’autres richesses, la pêche du poulpe est un enjeu dans les relations maroco-espagnoles qui passe par la délivrance de nouvelles licences de pêche accordées aux sociétés de pêche espagnoles. «La normalisation et la complicité avec l’annexion illégale d’un territoire non autonome en attente de décolonisation se font sans aucune pudeur», a dénoncé l’Acaps, l’Association catalane des Amis du peuple sahraoui. Même si l’accord de pêche UE-Maroc oblige les navires de l’UE à débarquer certains pourcentages de leurs captures dans des «ports locaux», l’étude publiée par la Commission européenne révèle que la plupart des captures débarquées par les navires de l’UE n’ont pas été vendues aux industries de transformation locales. Mais sont transportées vers l’UE pour être vendues sur le marché intérieur, ou sont expédiées vers des pays tiers.
L’UE, conformément au principe de protection des écosystèmes et compte tenu des conséquences de l’intensification de l’exploitation de cette ressource (le poulpe), a limité la pêche de cette espèce. Mais les difficultés de traçabilité des produits de la pêche rendent impossible le contrôle de cette limitation. «Il n’est pas obligatoire de déclarer où une espèce a été capturée, mais plutôt le port d’où elle est partie», a expliqué Celia Ojeda, expert en biodiversité et responsable chez Greenpeace Espagne.
Projet de loi espagnol contre les entreprises opérant dans les zones occupées
Le parti politique espagnol Sumar a soumis, mercredi, un projet de loi qui vise à interdire les subventions et les marchés publics aux entreprises qui opèrent dans les zones occupées du Sahara occidental et de la Palestine, rapportent des médias espagnols. A travers ce projet de loi, Sumar propose d’empêcher les entreprises qui opèrent dans ces zones, par exemple, de participer à des appels d’offres publics ou de recevoir des subventions de l’administration publique, ainsi que des sanctions dans le cadre de la législation anticontrebande. L’initiative, comme l’explique le parti politique, cherche à suivre la voie de la reconnaissance de l’Etat de Palestine par Madrid et vise à garantir que les entreprises ne participent pas à des violations du droit international et qu’elles «profitent de l’argent public». Dans le cas du Sahara occidental, le projet de loi dénonce le fait que «l’Espagne continue d’entretenir des relations commerciales avec des entreprises qui exploitent illégalement les ressources de ce territoire occupé». Sumar souligne l’obligation faite à l’Espagne d’«éviter toute forme de complicité dans les violations des droits de l’homme». En ce sens, le projet de loi est soutenu par les Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, qui établissent «la responsabilité des entreprises de prévenir et d’atténuer les impacts négatifs sur les droits de l’homme dans les zones de conflit». Avec ce projet de loi, Sumar cherche à «promouvoir un modèle commercial plus éthique et responsable qui ne profite pas de l’occupation illégale des territoires ni ne contribue aux violations des droits de l’homme».