Plan d’«autonomie» marocain : un artifice pour valider l’occupation

Plan d’«autonomie» marocain : un artifice pour valider l’occupation

Présenté comme « réaliste », le plan marocain pour le Sahara Occidental n’est qu’un trompe-l’œil. Sous un vernis diplomatique, il transforme l’occupation en normalité et prive les Sahraouis de leur voix, les cantonnant au rôle de simples spectateurs de leur propre destin.

Octobre : un rendez-vous à haut risque

Le mois d’octobre prochain sera crucial pour les Sahraouis. Le Conseil de sécurité de l’ONU devra se prononcer sur le renouvellement de la MINURSO, la mission chargée d’organiser un référendum d’autodétermination au Sahara Occidental. Créée en 1991, cette mission avait pour mandat de permettre aux Sahraouis de choisir entre l’indépendance et le rattachement au Maroc. Trois décennies plus tard, ce référendum n’a jamais eu lieu et l’horizon politique reste plus incertain que jamais.

Aujourd’hui, les États-Unis et la France veulent transformer cette échéance en tournant politique. Leur objectif est d’entériner le plan marocain d’« autonomie » comme unique base de discussion, reléguant ainsi aux oubliettes le principe du référendum. Une telle décision constituerait un précédent historique, puisqu’elle transformerait une question de décolonisation en un simple débat de gouvernance régionale.

Les équilibres fragiles du Conseil de sécurité

L’adoption d’une nouvelle résolution dépend de deux conditions : l’absence de veto de l’un des cinq membres permanents (Chine, États-Unis, France, Russie, Royaume-Uni) et l’obtention d’au moins neuf votes favorables. Cette année, les dix membres non permanents sont l’Algérie, la Corée du Sud, le Danemark, la Grèce, le Guyana, le Pakistan, le Panama, la Sierra Leone, la Slovénie et la Somalie.

Avec Paris, Washington et Londres déjà alignés sur Rabat, et Moscou comme Pékin enclins à s’abstenir, l’équation semble favorable au Maroc. Mais encore faut-il rallier six membres non permanents. Rabat concentre ses efforts sur Ljubljana, qui a récemment accueilli le président Abdelmadjid Tebboune, et cible également Séoul, Mogadiscio et Islamabad. L’Algérie, membre du Conseil, mène bien sûr la contre-offensive et tentera de mobiliser d’autres États pour bloquer ce passage en force diplomatique.

Au-delà des votes, c’est l’avenir même de la MINURSO qui est en jeu. Si la perspective référendaire est abandonnée, la mission perdrait sa raison d’être. Déjà fragilisée par les coupes budgétaires imposées par Donald Trump aux opérations de paix de l’ONU, elle pourrait être remplacée par une structure chargée non plus de garantir l’autodétermination, mais d’accompagner un statut d’« autonomie » sous souveraineté marocaine.

Un tel scénario consacrerait l’abandon, par la communauté internationale, d’un processus de décolonisation pourtant reconnu par le droit international. Pour les Sahraouis, ce serait une rupture majeure : leur droit de choisir librement leur avenir serait remplacé par l’obligation de valider un plan déjà rédigé à Rabat.

Ressources confisquées et développement sous tutelle

Depuis 2007, le Maroc présente son « plan d’autonomie » comme une solution « réaliste » et « démocratique » à un conflit qui dure depuis près d’un demi-siècle. Porté par une rhétorique séduisante — promesse de développement, respect des libertés, participation aux institutions locales — ce projet est relayé comme une offre sérieuse par des partenaires étrangers soucieux de stabilité régionale.

Mais derrière cette vitrine, Rabat conserve l’exclusivité sur tous les leviers régaliens : la défense, la sécurité, la diplomatie, la monnaie, la religion et la justice suprême. Autrement dit, les Sahraouis seraient autorisés à gérer leurs écoles et leurs marchés, mais resteraient exclus des choix stratégiques déterminant leur avenir.

L’« autonomie » proposée n’est rien d’autre qu’une décentralisation sous contrôle, une manœuvre destinée à pérenniser le fait accompli colonial et à priver le peuple sahraoui de son droit fondamental à l’autodétermination.

Le plan prétend aussi garantir une part des revenus régionaux aux Sahraouis. Mais les faits contredisent cette promesse. Les richesses naturelles du Sahara Occidental — phosphates de Boucraâ, zones de pêche atlantiques, potentiel solaire et éolien — sont exploitées depuis des décennies par le Maroc et ses partenaires étrangers, notamment des multinationales européennes.

La Cour de justice de l’Union européenne a rappelé à plusieurs reprises que ces accords commerciaux, conclus sans le consentement du peuple sahraoui, sont contraires au droit international. Rabat continue pourtant d’en tirer profit, avec la complicité tacite de ses alliés. L’« autonomie » institutionnaliserait ce système et transformerait une spoliation de fait en spoliation de droit, enfermant durablement les Sahraouis dans une économie sous tutelle.

Les calculs des puissances occidentales

Ce plan n’aurait aucun poids sans l’appui de puissances influentes. La France en est l’avocat le plus constant, défendant l’autonomie comme « seule option crédible ». Les États-Unis, depuis la décision de Donald Trump de reconnaître la prétendue souveraineté marocaine en 2020, n’ont jamais reculé. L’Espagne, ancienne puissance coloniale, s’est elle aussi alignée, renonçant à son devoir historique et juridique.

Ce soutien ne repose pas sur une quelconque légalité, mais sur des intérêts stratégiques : lutte antiterroriste, contrôle migratoire, accès aux ressources et contrats économiques. Les Sahraouis, eux, disparaissent de l’équation, réduits à un peuple « gênant » dont la voix doit être neutralisée pour préserver la fiction d’une stabilité régionale.

Origen: Twala – Plan d’« autonomie » marocain : un artifice pour valider l’occupation