C’était donc ça, une affaire de gros sous… Bon, on le savait, c’est toujours une affaire de gros sous entre les pays, avant toute autre considération. D’ailleurs le général de Gaulle l’a très bien dit : “Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts“. On le sait mais on est toujours surpris par la vitesse à laquelle les changements s’opèrent. La France et le Maroc l’illustrent parfaitement. Après 2 ans de brouilles – le mot est faible -, suite à l’affaire Pegasus et aux horreurs que le président français Emmanuel Macron auraient jetées au roi du Maroc, les affaires reprennent, de manière aussi spectaculaire que les développements de la querelle. Macron est enfin annoncé à Rabat, à la fin du mois prochain, pour une visite d’État.
Le palais de l’Élysée l’a annoncé ce vendredi 27 septembre, en ajoutant qu’il est question de consolider les liens bilatéraux. La même source indique que le souverain Mohammed VI a envoyé hier jeudi une lettre d’invitation dans laquelle il se réjouit «des horizons prometteurs qui se dessinent pour nos deux pays». Le roi avait déjà montré la couleur, les choses se précisent. A quoi doit-on ce revirement à 360 degrés ? A un dossier dont le palais royal a fait le marqueur de sa diplomatie : le Sahara occidental…
Jusqu’ici Paris avançait masqué sur cet épineux sujet, en tentant de ménager la chèvre et le chou – l’Algérie et le Maroc – mais patatras le 30 juillet dernier : Macron juge qu’il a assez louvoyé, face à une Algérie qui traîne les pieds pour solder les lourds contentieux, il décide donc de basculer résolument dans le camp du Plan marocain pour administrer le Sahara occidental.
Alger, premier soutien des indépendantistes, a très mal pris la bravade de la France, il a rappelé illico son ambassadeur et depuis il n’y est pas retourné. Le président Abdelmadjid Tebboune, qui vient de rétablir l’obligation de visa pour les Marocains, sera encore plus ulcéré par les projets que cuisinent le président français et le souverain marocain.
Les choses sont allées très vite. Dès le surlendemain de la publication officielle de la lettre Macron actant son changement de posture, la société d’ingénierie française Egis, partenaire du français Systra et du marocain Novec, rafle le marché de l’extension de la ligne de train à grande vitesse entre Kenitra et Marrakech. «La France a clairement de nouveau le vent en poupe», se réjouit le dirigeant d’une entreprise qui opère sur place.
Les entreprises françaises au Maroc exultent : «On faisait profil bas depuis deux ans, atteste Étienne Giros, président du Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian)». De grands opérateurs économiques marocains «recommencent à frapper à notre porte» pour des alliances dans le royaume, confie un entrepreneur français, sous le sceau de l’anonymat, rapporte La Nouvelle République.
«En termes de commande publique, sur cette période-là, cela a été peut-être un peu plus compliqué», commente Jean-Charles Damblin, directeur général de la Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc. Mais Globalement «on n’a pas vu un ralentissement marqué» des partenariats économiques à cause des tensions diplomatiques des 2 dernières années, ajoute-t-il…
Il illustre son propose par le rythme des échanges économiques entre la France et le Maroc : les échanges commerciaux sont même montés à un niveau record l’an dernier, 14 milliards d’euros. Par ailleurs la guerre en Ukraine a dopé les importations de produits agricoles français. Donc la France reste le premier investisseur étranger au Maroc (en 2022 l’Hexagone a été bousculé par les USA mais c’est terminé), presque toutes les entreprises de l’indice boursier CAC 40 opèrent dans le royaume et 1000 filiales françaises s’y activent.
En retour le Maroc est le premier investisseur africain en France, avec des investissements directs qui s’établissaient à 372 millions d’euros en 2015 et 1,8 milliard en 2022.
Et puis il y a le gros morceau : le Sahara occidental. Cette ancienne colonie espagnole, contrôlée à 80% par le Maroc, est âprement disputée depuis 1975 par le royaume chérifien et le Front Polisario, épaulé par l’Algérie. La France s’ajoute au problème. «Il y aura sûrement un développement et une accélération de la coopération économique entre les pays, notamment au Sahara marocain», s’enflamme le président du groupe d’amitié Maroc-France au sénat marocain, Mohamed Zidouh.
Et si tout ce beau monde est obsédé par le Sahara occidental c’est aussi parce qu’il a un énorme potentiel en matière de ressources solaires et éoliennes, une préoccupation majeure pour le Maroc. Ce dernier mise beaucoup sur les énergies renouvelables et affiche ses ambitions sur le marché de l’hydrogène vert…
Les Occidentaux opèrent déjà au Sahara, le groupe français Engie installe actuellement, en consortium avec le marocain Nareva, une station de dessalement d’eau de mer à Dakhla et un parc éolien. Sade-CGTH, spécialisé dans la construction et les infrastructures, a gagné un appel d’offres pour un programme de raccordement du réseau d’eau à Dakhla. C’est aussi tout ça qui fait courir Macron, plus d’autres choses qu’on découvrira fin octobre lors de la visite d’État.