Le 30 mars 2025, depuis le département du Val de Marne, devant les hôtels de ville d’Ivry/Seine puis de Vitry, nous nous sommes retrouvés nombreux, Français et Sahraouis en étroite et chaleureuse complicité, pour dire notre volonté commune de justice et de strict respect des règles qui rendent possible une vie internationale respectueuse des droits de chacune et de chacun, dans une commune humanité.

Tous et toutes étaient présents pour commencer une marche en France et en Espagne, marche préparée et rêvée pour gagner la liberté des prisonniers politiques sahraouis et mon droit de visite à Naâma, mon mari, prisonnier à Kénitra, pour 30 ans de détention.
Marche humaniste, généreuse s’appuyant sur la force de l’identité sahraouie, en lutte pour son indépendance depuis plus de 50 ans, et sur une solidarité européenne qui dès le départ, au nom de la justice et du respect du droit international, est aux côtés du peuple sahraoui, du Front Polisario et de la République sahraouie en exil.
Pendant deux mois, nous avons été accueillis par onze collectifs en France et dix en Espagne, correspondant dans chaque ville accueillante à l’engagement d’élus, d’associations, de comités d’entreprise. Difficile de tous les citer, ils étaient si nombreux, mais chaque histoire locale raconte une histoire d’amitié et de respect. Découverte pour les uns, ancienne tradition d’accueil d’enfants sahraouis pour d’autres ou encore dossiers juridiques défendus patiemment à Genève par des juristes attentifs.
Pour la première fois, cette lutte s’est aussi vécue en ligne. Grâce à une campagne visuelle coordonnée et à une équipe mobilisée, la Marche a été suivie quotidiennement sur les réseaux sociaux, touchant jusqu’à 300 000 personnes sur Instagram. Sahraouis de la diaspora, des campements de Tindouf, des territoires occupés ou encore étudiants sahraouis au Maroc et Cuba ont pu s’emparer, organiser des actions et diffuser les portraits des prisonniers.
Une mobilisation numérique inédite qui ne remplace pas l’action sur le terrain, les deux doivent sensibiliser ensemble.
Au fil de la route, combien de rencontres qui nous ont tous émus. Comment oublier les jeunes filles sahraouies de Bressuire capables d’animer les réseaux et d’être présentes avec humour sur le terrain. Avenir démocratique d’un Sahara occidental enfin indépendant ?
Mais nous avons aussi croisé des groupes, des organisations, des artistes français engagés, nombreux et actifs. À Poitiers, Angoulême, nous avons dû affronter des actions des soutiens favorables à la colonisation du Sahara occidental par le Maroc. La police a-t-elle été informée ? Peut-être. Mais quelle inquiétude à ce point le Maroc pour qu’il engage des citoyens français d’origine marocaine à s’opposer à nos traditionnelles libertés d’expression ?
Tout au long de ce chemin, les médias locaux nous ont donné la parole et ont contribué à rendre visible l’existence de ce mouvement sahraoui très enraciné et identifié sur le territoire français. L’expulsion soudaine du Maroc de Naâma, la répression subie par mes collègues prisonniers : comment ne pas les associer à l’espoir que suscite la Marche, va leur donner de nouveaux moyens de renforcer la solidarité internationale.
« Ma chère Claude, Ton expulsion est le couronnement de la vitalité et de la réussite de la marche. C’est aussi un échec du régime et de son incapacité à assumer ses responsabilités et ses engagements devant la communauté internationale. »
— Lettre de Naâma Asfari à Claude Mangin-Asfari – 1er juin 2025. Prison de Kénitra.
De tous nos camarades prisonniers et de leurs familles, j’ai senti la volonté de renforcer cette solidarité internationale.
Nous avons marché, discuté, chanté, dansé dans les rues avec nos amis sahraouis et nos camarades français. Cette marche restera dans nos mémoires comme une étape importante, 3 200 km traversés, 35 villes étapes, 300 témoignages et messages d’amitié et de solidarité, une multitude de nouveaux liens tissés.
Poursuivons notre mobilisation, agissons auprès des institutions internationales, des États, des organisations de défense des droits humains, des partis politiques et des syndicats, auprès de toutes les consciences libres pour faire libérer les prisonniers politiques sahraouis.
C’est de leur courage et de leur résistance que nous nous nourrissons. Cette libération est une nécessité pour eux et pour nous tous.
Claude Mangin-Asfari et l’équipe de la Marche, le 21 août 2025