Autonomie imposée : peut-on demander à un peuple de choisir la forme de sa potence ? – Par Kamal Fadel, représentant du Front POLISARIO en Australie et en Nouvelle-Zélande

Autonomie imposée : peut-on demander à un peuple de choisir la forme de sa potence ? – Par Kamal Fadel, représentant du Front POLISARIO en Australie et en Nouvelle-Zélande

Par Kamal Fadel, représentant du Front POLISARIO en Australie et en Nouvelle-Zélande
Publié initialement dans le quotidien algérien Al-Khabar, dimanche 26 octobre 2025
Traduction : Plateforme “N’oublie pas le Sahara Occidental”

Dans cet article, le diplomate sahraoui Kamal Fadel dénonce avec force les tentatives de certains pays, menés par les États-Unis, de pousser le Conseil de sécurité à imposer l’« initiative marocaine d’autonomie » comme unique solution à la question du Sahara Occidental.
Il considère qu’une telle démarche constitue une violation flagrante du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et une atteinte à l’essence même de la Charte des Nations unies.
Fadel rappelle que le Conseil de sécurité n’a ni autorité pour contourner le droit international, ni mandat pour redéfinir le concept de décolonisation. Imposer l’autonomie reviendrait, selon lui, à légitimer l’occupation et à récompenser l’agression.
À travers les précédents de la Namibie, du Timor oriental et de l’Érythrée, il souligne que la légitimité internationale repose sur le libre choix des peuples, et non sur des solutions imposées.
Toute tentative de limiter les négociations au concept d’« autonomie sous souveraineté marocaine », conclut-il, ne constitue pas une solution politique mais une capitulation déguisée, qui minerait la crédibilité du Conseil de sécurité, le transformant de gardien de la légalité en instrument de l’accompli colonial.


Le Conseil de sécurité des Nations unies se trouve aujourd’hui face à une épreuve décisive de crédibilité et de cohérence avec les principes fondateurs de l’Organisation. Ces derniers jours, certaines puissances influentes — au premier rang desquelles les États-Unis — ont exercé des pressions pour que le Conseil adopte une nouvelle approche du dossier du Sahara Occidental, fondée sur l’« initiative marocaine d’autonomie » présentée en 2007. Cette manœuvre vise à l’imposer comme seule base possible d’une solution politique, en violation flagrante du droit international et du principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Le problème ne réside pas seulement dans le contenu de cette initiative, mais dans la nature même de la tentative : substituer à un processus de décolonisation reconnu par la Charte des Nations unies une formule d’administration interne sous la souveraineté de la puissance occupante. Une telle démarche contredit à la fois la lettre et l’esprit des résolutions onusiennes, et constitue une dangereuse dérive du mandat du Conseil, dont le devoir est d’appliquer le droit, non de le redéfinir selon les intérêts des puissants.

La décolonisation du Sahara Occidental, comme l’a confirmé la Cour internationale de justice dès 1975, repose sur la reconnaissance du droit du peuple sahraoui à déterminer librement son destin. Aucun État, ni aucune institution internationale, n’a autorité pour annuler ce droit ou le redéfinir selon des considérations politiques ou circonstancielles. Le Conseil de sécurité n’a pas le pouvoir d’octroyer une souveraineté ni de substituer la volonté d’un peuple colonisé aux ambitions d’une puissance occupante.

En pratique, imposer une « autonomie sous souveraineté marocaine » reviendrait à légitimer l’occupation militaire et à récompenser l’agression. Le langage diplomatique ne saurait masquer cette réalité. Appeler « solution politique réaliste » une proposition qui nie la liberté du peuple sahraoui n’est qu’une manière élégante de consacrer l’injustice. C’est, sur le plan moral comme juridique, demander à un peuple de choisir la forme de sa potence.

L’histoire des Nations unies regorge d’exemples démontrant la fausseté d’une telle logique. En Namibie, au Timor oriental, en Érythrée et ailleurs, la communauté internationale n’a jamais considéré l’« autogouvernance » imposée par la puissance coloniale comme une solution, mais comme une prolongation de l’occupation. Ce n’est qu’en garantissant le libre exercice de la volonté populaire — à travers un référendum sous l’égide de l’ONU — qu’une solution définitive, légitime et durable a pu voir le jour.

Le cas sahraoui n’échappe pas à cette règle. Il s’agit d’un processus de décolonisation inachevé, reconnu comme tel par l’Assemblée générale, et la seule voie vers la paix passe par l’exercice du droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination et à l’indépendance. Toute tentative de substituer ce principe par une formule imposée en dehors de la légalité internationale ne mènera qu’à la prolongation du statu quo et à un affaiblissement supplémentaire de la crédibilité du système multilatéral.

Il est particulièrement préoccupant de constater que certains membres du Conseil cherchent à réinterpréter les résolutions antérieures en y introduisant des termes ambigus tels que « solution politique réaliste et durable », une expression désormais utilisée pour justifier la position marocaine tout en marginalisant le principe juridique fondamental de l’autodétermination. Cette tendance, amorcée sous l’influence de la France et renforcée par la complaisance américaine, risque de transformer le Conseil, de gardien de la légitimité internationale, en complice de sa violation.

Le droit international n’est pas un menu dans lequel on choisit ce qui arrange et on écarte ce qui dérange. Si l’on accepte qu’un processus d’occupation puisse être régularisé par une « autonomie » imposée, alors plus aucun peuple colonisé ne pourra revendiquer la justice. Un tel précédent viderait la Charte des Nations unies de son sens.

Les institutions internationales ne conservent leur autorité que lorsqu’elles agissent conformément aux principes qui les ont fondées. Si le Conseil de sécurité adopte une résolution qui ignore la nature coloniale du conflit et exclut la référence explicite à l’autodétermination, il renoncera à son rôle de garant du droit pour devenir l’instrument de la politique du fait accompli. Ce serait une reddition morale et juridique face à la logique de la force.

Le peuple sahraoui ne demande ni privilèges ni faveurs. Il réclame, comme les peuples de Namibie, du Timor oriental ou de Palestine, le respect de son droit à exister librement et à décider de son avenir sans imposition extérieure. Toute « solution » cherchant à contourner ce principe n’est qu’un piège maquillé en paix — une paix des cimetières.

La question posée à la communauté internationale n’est donc ni technique ni diplomatique, mais éthique :
peut-on demander à un peuple colonisé de choisir la forme de sa potence ?
Si le droit international a encore un sens, la seule réponse possible est non.

Plateforme “N’oublie pas le Sahara Occidental”